Résumé : Yasmina annonce à sa voisine que son neveu et son fils allaient venir passer quelques jours au bled. Cette dernière en est heureuse. Un soir Yasmina remarque deux jeune hommes bien habillés qui remontaient le quartier. 46eme partie Elle allait refermer la fenêtre, quand l'un des deux jeunes hommes lève la tête et lui fit un sourire. Yasmina, loin d'être timide, ébauche un sourire puis referme sa fenêtre sans plus tarder. Son cœur battait la chamade. Elle sentait quelque chose remuer en elle et le souffle lui manqua. Elle rejoint sa mère qui était affairée dans la cuisine et l'aide à préparer le dîner, puis s'enferme dans sa chambre et prend un livre. Mais pour une fois, elle ne peut se concentrer. Ses idées voguaient ailleurs, vers des rivages interdits. Le jeune homme avait l'air d'un véritable Européen, avec son costume-cravate et son chapeau. Il avait de la classe. Beaucoup de classe. Yasmina prit un livre de poésie et se met fébrilement à chercher à travers ses passages, quelque chose, qui expliquera son propre état d'âme. Elle n'avait jamais connu cette sensation auparavant. Une sensation de bonheur, de douceur, et même de chagrin… C'est un mélange de sentiments qu'elle n'arrivait pas à s'expliquer. Elle se remémore alors ces histoires d'amour qu'elle avait lues et qui avaient marqué leur temps. Elle passe une nuit agitée et rêva du beau jeune homme qui lui avait souri. Au petit matin, elle se débarrasse très vite de ses tâches ménagères pour courir chez Malika. Cette dernière n'arrivait pas à dissimuler son bonheur. Elle raconte à Yasmina que Zouhir et Mouhoub étaient heureux de rentrer pour quelques jours. Zouhir doit rester un peu plus longtemps, pour ne repartir que dans les deux mois qui suivent car il doit impérativement accompagner sa sœur à Marseille où l'attendait son mari. Par contre, Mouhoub, repartira dans quelques jours, car il travaillait dans une imprimerie et n'avait que quelques semaines de congé. Qui est Mouhoub et qui est Zoubir ? se demande la jeune fille. La question brûlait les lèvres de Yasmina. Elle aurait donné cher pour connaître le nom du beau jeune homme de la veille. Mais comme, elle devait plutôt faire montre d'une bonne éducation devant sa voisine, elle n'osa formuler sa demande. Mais il était écrit que Yasmina et son jeune amoureux allaient encore se rencontrer. 1919 - MON GRAND-PÈRE MOUHOUB Si je dois parler de mon grand-père Mouhoub, je le ferais toujours au passé. Ce grand-père que je n'ai jamais connu était pour nous, ses petits-enfants, un exemple de courage et de persévérance. Ma grand-mère n'a cessé au long des années de nous parler de cet homme admirable en tous points qui, sans crier gare, atterrit dans sa vie. Mouhoub était né en 1895 dans un quartier populaire. Son père, un charpentier, l'avait inscrit à l'école où, contrairement à ses deux frères qui ne s'intéressaient pas du tout aux études, il escalada les échelons du succès, pour décrocher sans trop de mal son certificat d'études. Mouhoub, suivant le conseil de ses enseignants qui l'exhortaient à étudier davantage, refuse l'offre de son père qui voulait l'avoir dans son atelier et lui apprendre le même métier que lui. Une grande scène s'ensuivra. Mouhoub voyant que personne ne pouvait comprendre sa soif pour les études décide de partir vers d'autres horizons. C'est ainsi que, par une belle journée de printemps, il quitte sa ville natale et prend le bateau pour Marseille. Pour se payer le billet du voyage, il avait dû trimer dur tout l'hiver et la moitié du printemps. Mais en fin de compte, il a réussi à amasser la somme nécessaire, pour le voyage et un séjour de quelques semaines à Marseille, ne comptant que sur lui-même et sur sa bonne étoile. Le jeune homme était fort, brun, élancé et avait de l'allure. À son arrivée en France, il se renseigne tout d'abord sur les multiples possibilités d'accéder à un travail à mi-temps qui lui permettrait en parallèle d'étudier. La partie ne s'avéra pas facile. Du travail ? Oui, il y en avait, mais plutôt à plein temps et pour un salaire de misère. Deux semaines passèrent sans que le jeune émigré parvienne à dénicher un boulot. Ses économies fondaient comme neige au soleil. Il dormait dans un hôtel miteux et mangeait à peine à sa faim. À ce rythme, se dit-il, il ne tiendra pas longtemps. Mais la chance vient toujours à point à ceux qui savent la chercher. Un matin, en feuilletant son journal, il découvre une offre de travail. Un travail à mi-temps dans une librairie. Il n'attendra pas longtemps, pour courir vers l'adresse indiquée et se présenta au libraire pour se proposer. Content de se décharger des multiples tâches qu'exigeait sa situation, le libraire plutôt surpris d'apprendre que le jeune émigré qui se présentait, savait lire et écrie, n'hésita pas à l'embaucher. Mouhoub aura pour tâche la distribution et le classement des journaux, le classement des livres selon leur arrivée et par ordre de lecture, la réception et le tri du courrier ainsi que la vente des multiples articles de librairie. Le salaire était motivant et en plus le jeune garçon aura toute la liberté et les moyens de s'adonner quotidiennement à sa passion première, la lecture. Y. H. (À suivre)