Résumé : À son retour au bled, Mouhoub découvre que ses parents et son frère aîné étaient décédés. Le cadet ne pouvant supporter sa solitude était de son côté parti sans laisser d'adresse. Mouhoub n'avait plus au monde que sa tante Malika… 48eme partie Mouhoub apprécie ce geste et consentira à rester encore quelques jours au bled. Un soir, Zouhir lui dévoile qu'il avait pensé à émigrer lui aussi à Marseille. Ici au bled, c'était partout la misère et la guerre n'avait fait qu'empirer les choses. Mouhoub lui propose alors de l'accompagner et, ensemble, ils prirent le bateau un beau matin de juillet. Zouhir, grâce à son cousin, avait pu trouver du travail dans une usine de sidérurgie et se maria la même année avec une Française. Mais Mouhoub l'incitait souvent à donner de ses nouvelles à sa mère et à sa sœur demeurées au bled, et qui n'avaient plus personne pour les protéger. C'est ainsi que les deux jeunes gens gardèrent des liens étroits avec la famille et quand un émigré vint lui demander la main de sa sœur, Zouhir n'hésita point à la lui accorder afin de l'avoir elle aussi auprès de lui. Voilà donc pourquoi trois années plus tard, lui et Mouhoub avaient décidé de rentrer pour quelques jours dans leur famille. Zouhir était marié et de temps à autre taquinait Mouhoub pour son célibat endurci. Mais malgré son succès auprès de certaines Françaises, Mouhoub rêvait d'une femme de son pays. Une femme qui lui rappellera ses origines et sa famille. - 1919 - LE MARIAGE Yasmina s'apprêtait à quitter la maison de sa voisine, quand les deux jeunes hommes, revenants du marché, chacun portant un lourd panier, poussèrent la grande porte de la cour. L'un deux s'élance sans crier gare et bouscule la jeune fille. Yasmina lève la tête et reconnaît son amoureux. Ce dernier, pris au dépourvu, de son côté, demeure bouche bée un moment, puis finit par réagir en lançant : - Bonjour, jeune demoiselle, toutes mes excuses ! Il avait formulé la phrase en français et sans trop se gêner Yasmina répondra dans la même langue : - Jeune homme, faites attention la prochaine fois que vous aurez à ouvrir une porte, à ne pas bousculer les gens. Le jeune homme est tellement surpris par cette hardiesse qu'il demeure bouche bée un moment, avant de répondre : - Mais, tu parles français… Yasmina avait disparu. Elle avait remis un petit voile sur ses cheveux tressés et s'était dirigée vers la maison d'en face. Il la suit un moment du regard, puis Zouhir le voyant encore hésitant le pousse. - Hé Mouhoub qu'attends-tu donc pour rentrer ? Il surprend son regard et se met à rire. - Elle te plaît ? C'est Yasmina, notre jeune voisine. Moi, je l'ai reconnu, mais elle sûrement pas. Quand je suis partie en France, elle n'était encore qu'une enfant. Je ne pense pas qu'elle se rappelle de moi. - Elle s'appelle Yasmina ? - Oui. Cela t'étonne ? - Non, elle m'étonne. Comment se fait-il qu'elle parle si bien le français alors que la plupart de nos femmes sont incultes. - Ma foi, je ne sais pas. Posons la question à ma mère, elle seule pourra nous renseigner. Le jour même Malika renseignera Mouhoub sur Yasmina. Elle lui parla de sa famille, de ses origines et de son éducation. Elle ira jusqu'à lui expliquer que c'est grâce à elle qu'elle pouvait répondre à leur courrier et leur donner des nouvelles du bled et de la famille. Mouhoub revoit en mémoire les missives qu'il recevait de sa tante et cette écriture penchée qu'il avait tant admirée. Yasmina était non seulement belle, mais instruite et même ouverte d'esprit. Où trouvera-t-il mieux que cette femme qui pourra l'accompagner en Europe sans crainte ? Mais d'autres hésitations germèrent en lui. L'acceptera-t-elle s'il demandait sa main ? Le suivra-t-elle en Europe ? Hier soir, à son arrivée, il l'avait surprise à sa fenêtre. Certes elle lui avait sourit, mais cela ne suffit pas. L'attirance physique ne suffit pas pour l'avenir d'un couple. D'ailleurs, elle ne connaissait rien de lui. Il ne savait que faire. Devrait-il en parler à sa tante et voir ensuite ce qu'il y a lieu de faire ? Il passe toute la journée à repenser à cette belle brune au regard narquois et au verbe facile. En fin de journée, il passe à l'action et demande à sa tante de demander la main de Yasmina dans les plus brefs délais. Y. H. (À suivre)