Rafik Khalifa devrait quitter Londres pour un refuge sûr en Amérique du Sud. Il aurait passé un deal avec des émissaires venus d'Alger. Déchu et recherché par Interpol, l'ancien homme d'affaires détient beaucoup de secrets sur l'enrichissement de la nomenklatura algérienne. Recherché par Interpol (la police internationale) à la demande de la justice algérienne, Abdelmoumène Khalifa pourrait ne pas être appréhendé. Selon nos informations, l'homme d'affaires déchu aurait déjà quitté la Grande-Bretagne, son dernier pays de résidence connu. Il aurait rejoint un pays d'Amérique du Sud. Sur ce continent, en effet, il est plus facile d'obtenir une nouvelle identité et d'échapper ainsi aux poursuites judiciaires. Ce départ de Khalifa aurait été facilité par des émissaires partis spécialement d'Alger pour lui proposer un “arrangement à l'amiable”, afin d'éviter un scandale politique en Algérie. Le milliardaire recherché avait, à plusieurs reprises, menacé de faire des révélations fracassantes sur ses liens avec des personnalités importantes du pouvoir algérien, qu'il accuse aujourd'hui de l'avoir “trahi”. Abdelmoumène Khalifa était notamment très lié à la famille du président Bouteflika. Le frère de ce dernier, Abdelghani, avocat de profession, avait travaillé durant plusieurs mois comme conseil juridique pour le compte du conglomérat algérien, aujourd'hui dissous. Abdelghani Bouteflika avait notamment contribué au lancement de la chaîne de télévision K-TV, implantée en France. Il était aussi très impliqué dans la mise en place et l'organisation des réseaux de lobbying et d'influence, en Algérie et en France, pour le compte du groupe privé algérien. “Abdelmoumène Khalifa ne veut plus être le seul à payer dans cette affaire. D'autres personnes ont directement travaillé avec lui et doivent aujourd'hui assumer leur responsabilité dans ce qui se passe”, affirme un proche du milliardaire algérien déchu. Abdelmoumène Khalifa avait sérieusement menacé de profiter du lancement de la campagne électorale de la présidentielle de 2004 pour dénoncer plusieurs personnalités impliquées dans le “scandale Khalifa”. En Algérie, comme en France, Abdelmoumène Khalifa aurait, en effet, bénéficié de nombreuses complicités pour mettre en place ses opérations de blanchiment d'argent et de fuite de capitaux dont il est accusé aujourd'hui par la justice algérienne. Selon des sources concordantes, Khalifa Airways facturait trois fois la location mensuelle d'un même avion. “Il facturait trois loyers mensuels au lieu d'un seul. Ce qui lui permettait de garder pour lui les deux autres mensualités. Sachant que le prix d'un avion en leasing peut parfois dépasser 1,5 million d'euros par mois, le compte est facile à faire. C'est autant de somme en devises qui quittaient l'Algérie illégalement tous les mois”, explique un connaisseur du groupe Khalifa, qui a requis l'anonymat. Or, accuse-t-il aujourd'hui, comment des opérations de cette ampleur auraient pu être réalisées sans la complicité de hauts responsables de la Banque centrale algérienne ? Une grande partie des recettes de la compagnie aérienne était également convertie en euros sur le marché noir, puis transférée illégalement sur des comptes bancaires à l'étranger. Dans ces opérations de transferts clandestins d'importantes sommes en devises vers l'étranger, Abdelmoumène Khalifa aurait bénéficié de la complicité à la fois des douanes algériennes et françaises. Pour une raison étrange et inconnue, ces dernières fermaient systématiquement les yeux sur le déroulement de ses transferts. Aujourd'hui, on estime le montant des sommes transférées illégalement entre 400 et 600 millions d'euros, dont une grande partie est passée par le territoire français. Des sommes déposées dans des comptes en Europe et aux Etats-Unis sous des noms d'emprunt. “Beaucoup de personnes avaient été recrutées par Khalifa en France avec pour seule mission d'ouvrir des comptes bancaires et de les gérer”, explique une ancienne employée de Khalifa Airways en France. Aujourd'hui, Abdelmoumène Khalifa peut compter sur ces sommes pour se relancer en Amérique du Sud. En attendant de revenir un jour en Algérie, comme il l'a promis récemment à la représentante des salariés de Khalifa Airways en France. L. G. Wanted Rafik Abdelmoumène Celui qui était considéré comme le symbole de la réussite est aujourd'hui sur la liste des fugitifs recherchés par Interpol. Abdelmoumène Khalifa est inculpé de blanchiment d'argent par le tribunal de Sidi M'hamed. Sur la fiche signalétique, on précise qu'il peut être dangereux et il est demandé à toute personne dans le monde ayant des renseignements sur sa personne de les signaler à la police. Il est à rappeler que Scotland Yard avait diligenté une enquête à son encontre et a gelé ses avoirs il y a de cela quelques semaines. Aujourd'hui, on dénombre plus de quatorze mille employés au chômage, un trou de 2 milliards de dollars de pertes pour le Trésor public, sans oublier les deux millions de clients lésés. La vraie question qui se pose aujourd'hui est la suivante : ce jeune de 36 ans est-il le cerveau coupable de cette grave atteinte à l'économie nationale ? Car, toutes les grosses sociétés, sans exception, ont été touchées, même Sonatrach via la BEA. Qui sont ces responsables au niveau de l'Etat qui ont donné des directives aux entreprises étatiques, et pas des moindres, de transférer leur argent à El Khalifa Bank ? Pourquoi la Banque d'Algérie a failli à sa mission de surveillance du système bancaire ? Elle-même a fermé les yeux sur le recrutement, au sein du staff de la banque El Khalifa, de cadres qui, quelques mois auparavant, étaient en mission de contrôle auprès de ladite banque. Que peuvent dire toutes ces personnalités chargées des plus hautes fonctions de l'Etat, du fait qu'elles se sont servies de cartes de crédit platinium à débit illimité, offertes par Abdelmoumène Khalifa ? Contacté par nos soins à propos du mandat d'arrêt contre le patron du groupe, le collectif des clients d'El Khalifa Bank estime qu'il n'est nullement concerné par cette question. Il considère que c'est une affaire qui se passe en haut lieu. Mais, il souligne que la Banque d'Algérie a failli à son devoir. Ce qui l'intéresse, aujourd'hui, c'est que l'Etat prenne une décision politique pour que les personnes lésées puissent récupérer l'intégralité de leurs avoirs, comme il l'a fait pour les opérateurs étrangers et les organismes sociaux (sécurité sociale, caisse des retraités, etc.). Comment ce groupe est-il devenu un important pôle économique en Algérie ? Qui était derrière ce géant aux pieds d'argile ? Y a-t-il eu blanchiment d'argent ? Ce sont des questions auxquelles les Algériens veulent des réponses. La crédibilité de l'Etat est sérieusement entachée dans cette affaire. M. B.