Il n'est pas rare que des compatriotes algériens le croisent à Hyde Park à Londres, un gobelet de café à la main et le costume gris froissé. Malgré cette allure, Abdelmoumène Rafik Khalifa n'a pas l'air soucieux pour son extradition et continue à mener une vie paisible à Londres. On croyait qu'il avait diminué des fastes d'antan lorsque son groupe jonglait entre l'aviation, les banques, le bâtiment et la location de voitures de luxe. Réfugié à Londres depuis quatre années, “Moumène” dépense, discrètement, un argent qui devrait être théoriquement gelé après que ses avoirs ont été bloqués dans certaines banques londoniennes. Ceux qui l'ont récemment rencontré sur les bords de la Tamise le décrivent comme étant tout aussi irascible et nerveux que par le passé. Entouré de quatre amis qui traînent derrière eux des mandats d'arrêt internationaux — lui en a deux dont un à Interpol —, il n'hésite pas à égrener ses “projets” d'avenir, convaincu qu'il rebondira. Deux mariages plus tard, il a fait circuler la rumeur qu'il est remarié à la “nièce de George Bush”. Il se déplace toujours avec deux gardes du corps, d'anciens commandos de la marine britannique recrutés à la sortie de la Navy, et cherche à acquérir encore des affaires à Londres. Les créanciers qui tapent à la porte de son domicile dans la banlieue de Londres ne trouveront personne. Par précaution, l'ancien milliardaire, responsable de la plus grande faillite financière algérienne, change de domicile, mais garde quelques habitudes de luxe. Dîners dans des restaurants branchés, petites virées dans les pubs londoniens et séjours discrets sur l'île de Jersey, les Bahamas anglais, réputée pour être un paradis fiscal. “Il ne fait plus le fanfaron comme à Paris”, indique un de ses anciens cadres, lorsque Rafik Khalifa offrait des tournées générales au Bouddha Bar. Mais depuis un moment, Khalifa multiplie des contacts avec des millionnaires connus à Londres pour être en rapport avec la mafia russe. La capitale britannique est réputée pour être le refuge de plusieurs magnats russes qui avaient fui Moscou après l'arrivée de Poutine. Amateur de football, Rafik Khalifa a tenté, à l'instar d'Abramovich de Chelsea, de s'enquérir de l'achat d'un club londonien de troisième division afin de mettre le pied dans le milieu du football, mais sa réputation sulfureuse l'ayant précédé, aucun club n'a voulu de son investissement estimé à 400 000 euros. Après avoir vendu des bureaux qu'il avait rachetés à une société de production d'un network arabe, Rafik Khalifa dit à celui qui veut l'entendre qu'il relancera son bouquet satellite (Khalifa TV et Khalifa News) en coopération avec des hommes d'affaires libanais. Or, pour ceux qui l'ont côtoyé ces derniers temps, Rafik Khalifa s'est assuré de blinder son dossier juridique avec ses avocats. Les dernières déclarations de Jack Straw, le MAE britannique, à Alger, évoquant l'absence d'un accord sur son extradition l'ont momentanément soulagé. Lui cherchait à aller au Brésil, le paradis des “in-extradables”. Le plus ironique est qu'un cabinet d'études stratégiques londonien vient de pondre un rapport sur les dégâts occasionnés par l'affaire Khalifa, estimés entre 1,5 et 7 milliards de dollars. Lui n'en a cure et se croit immunisé. Il achète toujours ses cigares à son nom, menace ses interlocuteurs algériens de dévoiler la liste de “ses parrains” et claque au vent l'argent des Algériens. Mounir B.