Avant-hier soir, la grande salle Mustapha-Kateb du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi a abrité la cérémonie d'ouverture de la 5e édition du Festival national du théâtre professionnel d'Alger (FNTP), qui durera jusqu'au 7 juin prochain. Après les allocutions de Zahira Yahi, représentant la ministre de la Culture, Khalida Toumi, actuellement en déplacement au Qatar, et M'hamed Benguettaf, commissaire du FNTP, le jury, présidé par Noureddine Amroun, et composé de Nathalie Marteau, Awatef Naïm, Dalila Meftahi, Ahmed Hamoumi, Mustapha Nedjaï, Adama Traoré, Ali Abdoune et Thamer El Abid, a été présenté au grand complet. Place ensuite aux hommages de personnalités de théâtre, algériennes et arabes, à l'exemple de Driss Chekrouni, Djamel Dekkar, Aissa Moulefraâ, Abir Aïssa, Drid El Laham, Souad Abdellah ou encore Fatma Zahra Mimouni et Afifa. Cette séance et/ou cérémonie languissante consacrée aux hommages a été ponctuée par des prestations de la troupe Amdjali, venu du fin fond du Sud algérien. La compétition a ensuite démarré sur les chapeaux de roues, avec l'entrée en lice du Théâtre régional de Skikda, qui a proposé au jury et aux spectateurs la pièce Amem aswar el madina (devant les murs de la ville). Mise en scène par Sonia Mekiou et adaptée par Khaled Bouali, d'après le texte du dramaturge allemand Tankred Dorst, la pièce relate les aventures de Houria El Ouazna, qui part demander audience auprès de l'empereur dont un mur le sépare des villageois. Le mur est haut et bien gardé ! Courageuse, téméraire et parfois même inconsciente, Houria El Ouazna demande à l'empereur de lui rendre son mari, Houcine El Lym, parce qu'elle n'arrive plus à supporter la vie loin de lui. Les gardes de l'empereur lui proposent de retrouver son mari, parmi les soldats qui gardent le mur, tous masqués. Elle accepte le deal et choisit un homme au hasard, estimant par là que c'est “l'empereur qui m'a pris mon homme, il faut donc qu'il me donne un homme”. Quand la technique annihile la profondeur ! Le soldat choisi joue le jeu pour se délivrer, et parce que Houria n'est pas si ingrate que l'on pourrait le penser. Elle est désespérée, mais pas repoussante. Afin de se distraire, les gardes demandent à ce couple improvisé de montrer le bonheur dans lequel il avait nagé durant quatre ans. Houria El Ouazna use de ses charmes, de son sens de la persuasion et de son espièglerie pour convaincre les gardes de l'empereur. Mais ces derniers lui révèlent, alors qu'elle est si près du but, que son mari a péri lors d'une bataille, et que ce n'était là qu'un jeu. Il semble, au premier abord, malsain, mais ce jeu a donné un peu de bonheur et un semblant de vie aux soldats, privés de tout ; et Houria El Ouazna a failli sauver l'un d'entre eux, en lui proposant un peu de rêve. Le propos de la pièce est pertinent, et traite de la femme sous toutes ses facettes. Il traite également de la complexité de l'humanité. Car l'homme se complaît dans le malheur, mais ne cesse de croire au miracle. Par de petites tentatives, parfois anodines et futiles, il réussit à surprendre son oppresseur. Mais, hélas, le propos de la pièce est dilué, car l'adaptation a été réalisée avec des outils littéraires, qui ne répondent pas toujours à la démarche théâtrale. Le propos de Amem aswar el madina est difficilement cernable, et il faut attendre les dernières cinq minutes pour assimiler la vision de l'auteur. Quant au metteur en scène, Sonia Mekiou, elle a dirigé ses acteurs d'une belle manière, mais la comédienne principale Nadia Larini, et malgré sa technicité, n'a démontré ni éprouvé aucune émotion. La technique a tué toutes ses faiblesses humaines, et on n'a aucunement ressenti la détresse de son personnage, qui se retrouve dépourvu d'âme. La scénographie a convaincu, et comme d'habitude, Abderrahmane Zaâboubi a excellé dans ses décors, même si le mur placé au milieu de la scène limitait un peu les déplacements des comédiens. La pièce est certes une réussite visuelle, mais ceci a annihilé l'aspect théâtral.