La présence du chef de l'Etat à ce nouveau rendez-vous franco-africain augure-t-il de la fin de la crise qui ne dit pas son nom entre Alger et Paris ? C'est, du moins, l'impression qui se dégage, car cette participation inattendue de Bouteflika résonne comme une volonté de renouer le dialogue. Programmée depuis longtemps, la visite du président algérien en France n'a pas eu lieu en raison des différends ayant surgi entre les deux capitales. Alors que l'on s'attendait à un durcissement des positions des deux parties, voilà que Bouteflika accepte de participer au sommet France-Afrique, qui s'ouvre, aujourd'hui à Nice, aux côtés d'une quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement africains. Cette présence est interprétée par les analystes de la scène algéro-française comme un moyen de mettre fin à la froideur caractérisant les relations entre les deux pays et pourrait contribuer à les améliorer, tout en provoquant l'ouverture d'un nouveau dialogue. C'est, du moins, l'avis du ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui a affirmé que la participation de Bouteflika à ce 25e sommet “contribuera à améliorer les relations avec la France et à consolider les rapports entre les pays africains et la France”. Selon Medelci, qui était interrogé en marge de la commémoration de la Journée de l'Afrique, ces relations algéro-françaises, marquées par l'absence de rencontres à haut niveau depuis des mois, “doivent être appréciées globalement et non pas seulement à l'aune d'un certain nombre de questions qui reviennent souvent, certes importantes”. Il n'en demeure pas moins qu'il ne faut pas s'attendre à un réchauffement rapide parce qu'une source à l'Elysée indiquera qu'aucun entretien bilatéral entre Abdelaziz Bouteflika et Nicolas Sarkozy n'est prévu “à ce stade”, mais ils “se verront et se parleront”, dans le cadre de cet événement. Ceci étant, l'Algérie, selon Medelci, considère que les “sentiments patriotiques sont extrêmement importants, et il faut en tenir compte”. Dans cet ordre d'idées, le chef de la diplomatie algérienne soulignera que “les messages des Algériens, quel que soit leur âge, sont simplement des messages de ceux qui (...) ont combattu pour que l'Algérie redevienne leur pays. Qu'on ne leur en veuille pas aujourd'hui de le rappeler aux autres, quand les autres font mine de l'oublier”. À Paris, on semble apprécier la présence de Bouteflika à Nice, d'après une source diplomatique française à Alger, qui a déclaré que c'est “une bonne nouvelle qui permettra peut-être de relancer le dialogue” à un moment où les relations entre les deux capitales sont “compliquées”. Pour rappel, l'Algérie a vivement critiqué son inscription par Paris sur une liste de “pays à risques” concernant les transports aériens, tandis que des députés algériens ont déposé une proposition de loi “criminalisant” le colonialisme. Lors du récent festival cinématographique de Cannes, le film Hors-la-loi de l'Algérien Rachid Bouchareb a été à l'origine d'une polémique sur des massacres d'Algériens, par les forces françaises, le 8 mai 1945 à Sétif. Dans ce cadre, la même source ajoutera : “Nous devons éviter l'écueil de la non-reconnaissance de faits longtemps occultés” comme ceux du 8 mai 1945, que deux ambassadeurs de France en Algérie ont qualifié, en 2005, puis en 2008, de “tragédie inexcusable” et d'“épouvantables massacres”. Elle indiquera que la France “n'est pas prête psychologiquement à faire acte de repentance, et il faut donc trouver une voie médiane”. Il y a lieu de noter également que le dossier du Sahara occidental, la révision de l'accord migratoire signé en 1968 ou l'insuffisance des investissements directs français, selon Alger, parasitent aussi les relations. En outre, la crispation entre les deux pays s'est accentuée avec l'affaire du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni, aujourd'hui témoin assisté dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de l'opposant Ali Mecili en 1987 à Paris, ou celle concernant l'assassinat des sept moines de Tibhirine en 1996. En attendant, aucune date n'a été fixée pour une visite de M. Bouteflika en France, en réponse à celle effectuée en 2007 en Algérie par le président français qui avait alors écarté toute idée de “repentance”. En dépit de tout cela, la source française soulignera que “l'Algérie reste, hors OCDE, le premier partenaire commercial de la France qui est le premier investisseur hors hydrocarbures”. En tout état de cause, tout indique que l'Algérie et la France sont condamnées par l'histoire et leur proximité géographique à avoir des relations privilégiées.