Des importateurs ont pu homologuer leurs cargaisons en ayant recours à des laboratoires privés, non habilités à effectuer des tests de résistance sur le rond à béton. L'enquête menée sur la qualité du rond à béton destiné à la construction, importé depuis l'étranger et introduit de manière peu catholique à partir du port de Annaba, a été relancée la semaine dernière sur la base de nouveaux éléments. Selon des sources proches du dossier épluché par les services de sécurité, certaines des opérations commerciales domiciliées au niveau du port de Annaba seraient entachées d'irrégularités. Il est ainsi affirmé que pour éviter le contrôle du laboratoire d'ArcelorMittal d'El-Hadjar, seul habilité à effectuer des tests de résistance, un importateur algérien spécialisé a outrepassé la procédure réglementaire en recourant à un laboratoire privé, pourtant non autorisé à procéder à ce genre d'analyses, pour faire agréer sa cargaison. Les documents en notre possession prouvent que ce laboratoire spécialisé dans le contrôle technique situé dans la zone industrielle Meboudja, à Annaba, a bel et bien effectué ces analyses. Ceci alors que l'administration locale, notamment la DCP et la douane, ne semble pas s'être inquiétée outre mesure de cette grave entorse à la législation et de l'incidence catastrophique que pourrait avoir ce produit douteux sur la sécurité publique. Selon des documents en notre possession, ce bureau de contrôle technique a procédé à la délivrance d'un bulletin d'analyses qualitative et spectrométrique du produit acier rond à béton que seul le laboratoire d'ArcelorMittal est en mesure de fournir. “La mission de cette entreprise de contrôle technique se limite uniquement à l'octroi du certificat de conformité”, a tenu à préciser un cadre des Douanes algériennes qui a tenu à garder l'anonymat. Il s'agit d'une cargaison de rond à béton, de fil acier et fil machine, d'un poids estimé à plus de 7 000 000 T/M, de diamètres 6, 10 et 12 mm. Arrivée le 15 octobre 2008 à 15h57mn à bord du Lehmann Trader, cette marchandise a, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, été réceptionnée par son propriétaire, moins d'une heure après l'accostage du navire, alors que les analyses ne peuvent en aucun cas être délivrées avant les 24 heures qui suivent l'arrivée de la cargaison. Concernant la diligence exceptionnelle qui a caractérisé cette opération, le directeur des Douanes algériennes de la wilaya de Annaba a affirmé ne pas en avoir été informé. Etonné lui-même par le fait qu'elle ait eu lieu, il a immédiatement déclenché une enquête approfondie sur son déroulement afin, déclarera-t-il, de situer les responsabilités. D'autant plus que, et toujours selon nos sources, 7 navires chargés de plusieurs milliers de tonnes sont passés au marché en recourant à la même méthode. “Je ne suis pas informé de cette pratique. J'ai dépêché une équipe de douaniers pour enquêter sur cette affaire et les résultats vous seront communiqués”, a déclare M. Aït Si Slimane, directeur des douanes de Annaba. Sa marchandise ayant été acquise à un prix de revient très bas par rapport aux indices du marché, il a été possible à cet importateur de l'écouler. Il a été, à maintes reprises, accusé de concurrence déloyale par les opérateurs activant dans le même créneau. De plus, comme signalé plus haut, contrairement aux autres importateurs, ses analyses lui sont rendues la même journée de l'arrivée de sa cargaison. Des largesses de l'administration qui suscitent bon nombre de questions car rien ne prouve que la qualité du produit importé est conforme aux normes légales. Les opérateurs concurrents, informés des facilités concédées à l'importateur cité, n'hésitent pas à qualifier le rond à béton mis sur le marché de suspect. “Sinon pourquoi il évite de passer par le laboratoire d'ArcelorMittal si son rond à béton n'a rien à se reprocher sur le plan qualité ?” s'interrogent ces derniers. Une question à laquelle seules les conclusions de l'enquête ouverte par la direction régionale des douanes pourront répondre. À souligner que le rond à béton importé par ce même opérateur depuis 2008 a été utilisé dans le cadre de la réalisation de l'autoroute Est-Ouest. Nos sources précisent que des milliers de tonnes de ce produit ont été livrés pour les besoins du chantier de la partie centre de l'autoroute Est-Ouest, reliant Chlef à Bordj Bou-Arréridj, et dont la réalisation avait été confiée en 2006 au Consortium chinois Citic-Crcc. Il est à rappeler que le marché a été passé entre ledit consortium et le Département des travaux neufs (DPN) de l'Agence nationale des autoroutes (ANA). De nombreux hauts responsables, dont le secrétaire général du ministère des Travaux publics, avaient été arrêtés et mis sous mandat de dépôt. Des importateurs qualifiés par les enquêteurs de fraudeurs sont inscrits déjà sur la liste des prochaines personnes qui seront inquiétées.