En l'absence d'une véritable régulation, les prix de ce produit risquent de s'envoler de nouveau. La nouvelle politique du logement et la relance du bâtiment en général, bâtie autour de dispositifs aussi ambitieux que variés risque de se voir freiné sinon compromise par l'apparition d'un paramètre inattendu ayant vraisemblablement échappé au sens des prévisions : la rareté du rond à béton et la flambée des prix que ce matériau vient de connaître. Une problématique tout aussi “en béton” eu égard à l'ambition affichée de réaliser pas moins de 100 000 logements pour cette année, tous programmes confondus. Selon les professionnels du secteur, “il faut pas moins de 1 200 000 tonnes pour combler les besoins de cette année, laquelle marque la relance du secteur”. Sans une politique prévisionnelle, en terme d'approvisionnement et de régulation, sur ce matériau, essentiellement importé, la réalisation de ces vastes programmes sera forcément soumise à des retards inestimables. La crise a, en réalité, pris naissance depuis “le début de l'été 2002”, nous signale-t-on, en ce sens que le marché domestique s'est trouvé subitement asséché par la demande. Celle-ci, paradoxalement soutenue par les chantiers Aadl a fini par livrer l'amère réalité aux entrepreneurs et autres promoteurs piégés par cette extrême “dépendance”. On notera qu'en 2002 déjà, le déficit est estimé par les experts à plus de 400 000 tonnes. Aussi, ces derniers temps, la flambée enregistrée sur le rond à béton, se révèle — étrangement — proportionnelle à l'avancée des chantiers et du programme de relance. En juin 2002, il s'échangeait au meilleur prix à 25 000 DA la tonne, alors qu'actuellement, il tourne autour de 35 000 DA. Sur le marché noir, le pic de 70 000 DA la tonne a été atteint du fait de l'élan spéculatif qu'aura permis cette embellie de relance, notamment avec les chantiers de l'AADL, lesquels ont fait office de gisements de rente pour certains “prédateurs du rond à béton”. Officiellement, il n'y a que deux entreprises publiques qui interviennenent sur ce produit, Cosider-Cométal et Ispat Annaba. Et encore, la première citée procède à des importations pour satisfaire ses propres besoins, étant elle-même une société de réalisation avec de riches plans de charge. Ispat affiche, nous dit-on, une moyenne de 400 000 tonnes par an, qui restent “très insuffisants”. D'autant qu'elle ne produit pas toute la gamme nécessaire et sérieusement convoitée pour les grands ouvrages. De ces usines sortent “uniquement les diamètres 12, 14 et 16”, alors que, précise encore notre interlocuteur avisé, “les diamètres 8 et 20 en raison de leur usage de base, restent soumis à une haute tension sur le marché”. Recours impératif donc à l'import. L'ardoise est appelée à s'alourdir considérablement au vu de la hausse des cours du rond à béton sur le marché international. Sur les cours internationaux, on est passé, en l'espace d'une année, de 210 dollars la tonne à 300 dollars, en moyenne, en plus de l'augmentation du fret qui a presque doublé. Entre 2001 et 2002, ce matériau nous revient plus cher, avec un différentiel de 80 dollars la tonne, soit environ 8 000 DA à l'achat, sans autres frais d'approche. Officiellement donc, l'année écoulée, l'Algérie a importé un peu plus de 978 000 tonnes pour un total de 209 millions de dollars. Ce qui n'a point apaisé la tension, démontrant notre vulnérabilité à ce niveau, ne serait-ce que sur l'absence flagrante d'un système de régulation du marché à même d'endiguer tout acte spéculatif. En effet, nous signale-t-on, “il y a eu rétention obéissant à des enjeux calculés pour faire raréfier le rond à béton et nourrir la spéculation”. Au niveau de l'approvisionnement, les privés sont présents mais se “comptent sur les doigts d'une seule main”. Alors comment parvenir à répondre à un marché de plus en plus demandeur et escompter être au rendez-vous des livraisons ? Il faut savoir, avons nous appris, que les Chinois ont grandement contribué à ce renchérissement sur les marchés internationaux puisqu'ils ont procédé à des achats volumineux de plus de 1 million et demi de tonnes et ce, à titre de prévision pour les chantiers qu'ils sont appelés à ouvrir dans la perspective des Jeux olympiques prévus à Pékin. Le même sens de la prévision a été reconduit chez nous par des sociétés chinoises associées au programme AADL. De son côté, M. Bouri, président de la filiale Cométal, relevant du groupe Cosider, nous fait part de ses difficultés d'approvisionnement en signalant que “2003 sera une année d'importation, car nous avons de grands chantiers à réaliser”. Il dira que sa société réserve un quota destiné aux constructeurs et autres promoteurs et ce, “avec des prix étudiés”. Le rond à béton, nous fait-il savoir, provient de Turquie, affichant, selon lui, la meilleure qualité, et encore d'Ukraine et de Moldavie. D'autres entrepreneurs n'ont pas manqué de signaler leur inquiétude face à la hausse des prix du matériau de base et le situent actuellement entre 38 000 et 45 000 DA la tonne, soit le double en l'espace de 6 mois. Le renchérissement du rond à béton signifie pour les promoteurs, un rétrécissement de la marge bénéficiaire. La rareté, par contre, signifie des retards et des pénalités. En revanche, pour les spéculateurs, c'est un argument en béton pour “construire” une rente de haut standing. A. W.