Il marche sur les eaux Mohamed Raouraoua. Et les eaux s'ouvrent devant lui, flattées d'être foulées par des pieds plus adroits que ceux du onze national. Encore un peu et on lui demanderait de guérir les plaies et les maladies. Et il n'est pas sûr qu'il ne réussisse pas. L'homme est un faiseur de miracles. Il a réussi le plus grand. Ressusciter un mort : l'équipe nationale. On la disait enterrée pour longtemps. Et voilà qu'il fixe la Coupe du monde comme objectif. La Coupe du monde ? Oui, monsieur, la Coupe du monde. Saâdane se mura dans un silence poli. Il s'est peut-être dit que le Président promet la lune pour que les supporters se contentent de la terre africaine, la Coupe d'Afrique. Ailleurs, on ricana. On murmura : “Il prend ses rêves pour de la réalité.” Savent-ils ceux-là que sans rêve, nul ne peut aller loin. Alexandre le Grand a rêvé ses conquêtes avant de les réaliser. Et l'émir Abdelkader, poète, donc rêveur par excellence, a démontré, l'arme au poing, que les plus belles victoires sont celles qu'on a d'abord rêvées. Deux ans plus tard, Mohamed Raouraoua a mis tout le monde du côté de son rêve. Non content de redonner l'espoir à tout un peuple, Raouraoua a réussi l'exploit de faire entendre sa voix dans les hautes instances du football africain et mondial. Aucun Algérien n'a pu, avant lui, s'y frayer, ne serait-ce qu'un trou de souris. Le défunt Mohand Maouche peut-être ? C'est vrai. Il avait de l'envergure. Mais il est mort trop tôt, laissant le football algérien orphelin de dirigeants d'influence dans le football africain. Jusqu'à l'arrivée de Raouraoua. Ce n'est pas un parachuté, Mohamed Raouraoua. Il a toujours été dans le football : à l'USMA ou dans la commission opérationnelle, créée en 1986, pour offrir toutes les conditions aux Verts sur la route du Mondial mexicain. En 1990, l'Algérie organise, avec le succès que l'on sait, la Coupe d'Afrique. La cheville ouvrière ainsi que la tête pensante de cette manifestation ? Raouraoua. Aujourd'hui, on le découvre. Il a toujours été comme ça : un organisateur, un gestionnaire, un visionnaire et un spécialiste des relations publiques comme on en voit peu dans le monde du football mondial. L'échelle de Raouraoua n'est pas algérienne, ni africaine d'ailleurs. Toujours un coup d'avance, ce joueur d'échec fait des échecs, comme l'enseigne Lao Tseu, le fondement de la réussite. Un exemple ? Le coup du journaliste de Canal + dans le bus des Verts pour que le monde entier soit témoin du “caillassage” du Caire, il fallait y penser. Eut-il mis un journaliste de l'ENTV, l'incident aurait été relégué au rang de fait divers. Il savait que le football, c'est aussi une guerre de communication. Et sur ce plan, il a remporté une très belle victoire reconnue même par les Egyptiens. Roublard, il est un concentré des qualités de base de l'Algérien. Avec une qualité en plus : c'est un homme de raison plus que d'émotion. Raouraoua est un phénix qui ne meurt que pour ressusciter. Tenez, il y a quelques années, il a quitté la Fédération algérienne après un bras de fer éprouvant avec l'ex-ministre des Sports. On le disait alors fini, lessivé, mort pour tout dire. En vérité, sorti par la porte, il est revenu par la fenêtre grande ouverte, car l'homme qui lui a succédé n'est autre que son ami et son bras droit. Pour le prix d'un seul, l'ex-ministre en a eu deux. On imagine sa mine. On ne peut pas faire la peau facilement à Raouraoua, car il est aussi ondoyant qu'un poisson et rusé comme un renard. Beaucoup s'y sont frottés, tous ont été piqués. L'incroyable, c'est qu'il n'a pas d'ennemis. Il a de vrais amis et de faux ennemis prêts à devenir ses amis. La recette ? Il ne personnalise rien. Pour lui, le boulot reste le boulot. Rien ne mérite fâcheries et rancunes. Sauf si l'on touche au sentiment, à la famille. Qui arrêtera Mohamed Raouraoua et sa marche triomphale sur l'eau ? Nul membre de la FIFA ou de la CAF. Seul un onze défait pourrait le faire redescendre sur terre. Avant qu'il ne remonte… H. G. [email protected]