Le Théâtre régional de Batna est entré en lice, samedi soir, avec la pièce El Hachamine, un vaudeville décapant, adapté par Mourad Senouci, d'après l'œuvre Les Deux timides, d'Eugène Labiche. El Hachamine, c'est l'histoire d'un homme habité par une extrême timidité (interprétée par Mahfoud El Hani) qui obéit au doigt et à l'œil, qui a honte, voire même peur de dire non. Et c'est ainsi qu'il accepte d'accorder la main de sa fille (campé par Nawal Messaoudi) à un être sans scrupule, arriviste et fétichiste de surcroît (incarné par Kamel Bouzrara). Mais la fille se révolte, se rebelle et affronte son père en lui révélant qu'elle est amoureuse de son cousin, Yacine (joué par Ramzi Kedja), un jeune avocat désavantagé dans la vie à cause de sa timidité maladive. Mise en scène par Chawki Bouzid, la pièce traite du thème de la timidité et de ses conséquences et même ses répercussions sur l'être humain. Avec une vision burlesque et décalée, le metteur en scène a brillé à travers la maîtrise de ses comédiens et leur rigueur sur scène. Tel un maestro, Chawki Bouzid a dirigé d'une excellente manière ses comédiens, qui avaient l'air complices et en totale harmonie. Le génie réside également dans la vision du metteur en scène qui a tourné en dérision plusieurs situations sérieuses. Ainsi, il a basculé dans la caricature, en parodiant notamment le blockbuster hollywoodien Titanic, les films hindous et mêmes les feuilletons historiques arabes. El Hachamine est un spectacle décapant, tordant de rire, même si la scénographie était quelque peu contraignante puisque la porte, qui était déplacée à chaque tintement et à chaque entrée sur scène d'un comédien, troublait la compréhension. De plus, les comédiens, brillants, ont eu du mal à se concentrer le premier quart d'heure de la pièce. En outre, l'adaptation est sans grande originalité et le texte a réellement été porté par l'excellente vision du metteur en scène. Avant-hier soir, c'est le jeune Théâtre régional de Guelma qui a rejoint la compétition avec la pièce Lahadate Masrah, mise en scène par Haïder Ben Hocine et adaptée par celui-ci d'après le roman Gouverneurs de la rosée, de l'auteur haïtien Jacques Roumain. La pièce propose trois niveaux de lecture au spectateur : c'est d'abord l'histoire de comédiens d'une troupe qui se rencontrent dans une salle de spectacle pour répéter leurs rôles ; c'est également l'histoire d'un metteur en scène qui observe ses comédiens et les dirige ; c'est aussi l'histoire de Manuel qui, parti chercher du travail dans un autre pays, retourne chez lui après quinze ans. Mais il trouve son village divisé et sa bien-aimée, Annaïsse, toujours aussi éprise de lui. Tel un chercheur d'or, Manuel partira à la recherche d'une source afin de réconcilier les deux clans rivaux de son village. Le roman de Jacques Roumain, qui traite d'amour et d'engagement, a été instrumentalisé au service de la vision du metteur en scène, qui souhaite rompre le quatrième mur qui sépare le spectateur des acteurs, car Haïder Ben Hocine nous a introduits dans les coulisses, a expérimenté plusieurs formes et autres visions. Le travail semble incomplet encore, mais les propositions sont foisonnantes. Toutefois, la pièce n'est pas destinée au grand public car ce sont des questionnements à la fois personnels et techniques que se pose le metteur en scène.