Parler, c'est traduire une pensée, communiquer un message ou encore une information par une succession logique des mots simples, coordonnés et doués de sens. Le fait de parler en public est, certes, souvent un exercice appréhendé parce que l'on craint de mal parler et donc de ne pas être écouté. Cette appréhension empêche de s'exprimer et autocensure bien des gens. Apparemment cette crainte de mal parler semble avoir trouvé un échappatoire. En effet, tout un chacun peut observer que la plupart des intervenants qui s'expriment à travers les médias radiophoniques et télévisuels usent abondamment et très souvent sans liaison logique, de l'évocation systématique de la prière inchallah qui signifie respectueusement “si Dieu veut”. Cette prière est annoncée plusieurs fois et en même temps au début, au milieu et en fin d'une phrase élémentaire et dont il est difficile, voire impossible de saisir le sens. La phrase est incohérente et confuse. La prière Inchallah est devenue un passe-partout qui dévoile si besoin est la difficulté et la faiblesse dans la capacité à formuler une phrase et à poursuivre une pensée. L'idée de la pensée est alors fuyante, imperceptible y compris lorsqu'elle est annoncée dans la langue maternelle, cet outil pourtant si facile à maîtriser. La moindre expression paraît devenir une épreuve, un examen complexe et difficile pour l'interviewé qui subséquemment use et abuse de la prière qu'il pense être un palliatif explicatif qui dédommage ce qu'il n'arrive pas à dire clairement. Le discours devient alors un lambeau de mots flashs, dissonants, désordonnés et non enchaînés. Cette réalité dyslexique de la parole renvoie au manque de maîtrise du vocabulaire et du langage constituant les matériaux naturels et indispensables dans toute langue. C'est par la maîtrise de ces éléments que la parole se libère et se clarifie. C'est par eux que s'acquiert l'aptitude à bien parler et c'est par eux qu'on rentre directement dans le monde de la communication publique. Ce n'est pas en alignant et en truffant à tout bout de champ une répétition hors circonstance que l'on croit avoir fait dans le sensé. Si l'essentiel est de passer à tout prix à l'écran, alors le métier de figurant existe. Il est si facile à jouer qu'il est aphone. A. A. ([email protected])