Liberté : De plus en plus d'enfants souffrent de déséquilibres alimentaires. Quelles en seraient les causes, d'après vous ? Mme Tafiani : L'enfance est une période de croissance rapide, les besoins nutritionnels sont donc accrus. Or, c'est la période où les comportements, notamment alimentaires, changent. Concernant la boulimie, il arrive à tout le monde de faire des excès alimentaires par gourmandise ou pour calmer un stress. Mais, parfois, le comportement alimentaire se dérègle de façon anormale et devient dangereux pour la santé. Pour l'anorexie, les enfants ont leurs raisons de mal manger : manque d'appétit, difficulté à prendre un petit-déjeuner, repas à la cantine, refus de certains aliments... Il faut essayer de comprendre leurs raisons et, surtout, leur donner l'exemple en ayant soi-même une alimentation équilibrée car, à long terme, le déséquilibre alimentaire mène à la prise de poids ou à certaines carences en nutriments essentiels. À quel moment faut-il s'inquiéter de la boulimie ou de l'anorexie de son enfant ? Si la baisse d'appétit persiste au-delà d'une semaine, il peut être utile de consulter un médecin pour éliminer l'option d'une infection. En l'absence de problème infectieux, l'enfant peut être un petit mangeur. Sa taille ainsi que son activité physique et intellectuelle sont normales, même si son poids est un peu inférieur aux valeurs de référence. Sinon, un manque d'appétit révèle parfois des difficultés psychologiques. Dans ces deux derniers cas, il ne sert à rien de l'obliger à manger et transformer les repas en une occasion de conflits. La boulimie se manifeste par crises compulsives durant lesquelles il devient impossible d'arrêter de manger. Les parents doivent prendre en charge leur enfant, car, avec le temps, les symptômes s'aggravent et les risques augmentent. Selon votre expérience de nutritionniste, pourquoi beaucoup d'enfants n'aiment-ils pas les légumes et la viande ? Les légumes, les fruits, la viande, etc. sont proposés progressivement sans heurter le goût de l'enfant, sans forcer. Si l'enfant n'aime pas tel ou tel plat, il faut lui offrir une part symbolique sans le forcer à y goûter. Surtout, ne remplacez pas le plat refusé par un autre cuisiné uniquement à son intention. Pensez-vous que c'est la faute aux parents si les enfants souffrent de troubles d'appétit ? C'est toujours les adultes qui sont à l'origine des mauvaises habitudes alimentaires, souvent prises très tôt, par un enfant. Il suffit de lui donner un biscuit, une barre chocolatée, ou un bonbon à sucer pour couper son appétit naturel au prochain repas. Le cercle vicieux des grignotages s'installe ainsi. Il en va de même pour les boissons sucrées. Un enfant qui a normalement soif a besoin d'eau qui ne bousculera pas sa glycémie et préservera sa faim normale à l'heure du repas. Quand on casse ainsi l'équilibre naturel de l'enfant, ses repas sont obligatoirement perturbés. Comment y remédier ? Si l'équilibre alimentaire des enfants se construit de la même manière que celui des adultes, l'apprentissage du goût, l'acquisition des principes d'une alimentation équilibrée et la pratique d'une activité physique régulière sont pour eux des priorités. Quelques règles simples permettent d'éviter le désordre nutritionnel : aider ses enfants à mieux manger, contrôler leurs choix alimentaires, les informer sur les bonnes habitudes alimentaires. L'éducation nutritionnelle d'un enfant lui permettra de se comporter dans les situations où ses parents ne sont pas présents, par exemple à la cantine, ou chez des camarades. Cet apprentissage doit se faire sans dramatisation ni moralisme, pour éviter que l'enfant ne considère l'alimentation comme une source de conflits ou de tensions qui sont parfois à l'origine de troubles du comportement alimentaire. Quel est le meilleur régime alimentaire pour une bonne croissance ? La présence de toutes les catégories d'aliments dans son alimentation apporte à l'enfant la palette entière des nutriments essentiels à sa croissance, à son développement et à son plaisir alimentaire. Aucun aliment n'est à supprimer, même le hamburger. Tout est une question de fréquence de consommation. Certains aliments doivent être consommés souvent, d'autres occasionnellement.