Pour l'ancien ministre qui a pris part à la convention du RCD, il appartient aux pouvoirs publics de faire le premier pas pour sortir la Kabylie de la crise en prenant en compte les revendications du mouvement citoyen. Liberté : Saïd Sadi vient de renouveler son appel pour le consensus démocratique. À votre avis, comment celui-ci peut-il se concrétiser aujourd'hui, compte tenu de la situation du pays ? • Abdelaziz Rahabi : Il est vrai que c'est l'une des préoccupations majeures de toutes les forces démocratiques en Algérie depuis une dizaine d'années, et si j'ai bien compris la pensée du Dr Sadi, il s'agit de faire de cet appel un appel transpartisan. Sadi a dit ne pas s'adresser directement à des forces partisanes mais à l'ensemble des forces qui se revendiquent des idéaux de liberté et de démocratie. Je pensais plutôt à l'appel à une large mobilisation en faveur d'une alternative démocratique et patriotique pour les prochaines années... Où la société civile serait partie prenante comme principal acteur ou animateur... • Le niveau d'intervention de la société civile se mesure de toute façon au niveau des libertés, des espaces qu'elle trouve dans la société mais elle représente, ici comme ailleurs, une force de proposition, un creuset d'idées qu'il serait bon d'associer à tous les débats sur les questions qui touchent l'Algérie. Lors de votre intervention, vous avez laissé entendre que la société civile a toujours été perçue chez nous comme une pathologie. Y a-t-il un moyen de sortir de cette vision réductrice ? • En Algérie, ce sont les formes d'expression et d'organisation classiques, traditionnelles de la société qui sont considérées comme des interlocuteurs, donc l'intrusion de la société civile comme l'intrusion de la presse dans la vie politique et sociale de la Nation posent problème. La société civile, parce qu'on n'arrive pas à identifier les animateurs, le courant, on cherche à lui imposer un leadership pour l'insérer dans un moule classique, traditionnel d'une organisation politique alors que par vocation elle ne l'est pas. C'est une force de proposition, mais ce n'est pas une organisation politique dont le but est de conserver ou de prendre le pouvoir. La presse, aujourd'hui, est un des moteurs de la société civile parce qu'elle n'obéit pas au capital, parce qu'elle n'obéit pas à des formations politiques, donc, forcément, elle est un relais des préoccupations citoyennes. Elle offre des espaces à la citoyenneté. Est-ce que vous pensez que la crise de Kabylie peut s'intégrer dans cette construction du consensus républicain auquel appelle le président du RCD ? • Le mouvement citoyen de Kabylie se revendique d'un combat pour des valeurs communes à tous les Algériens, son caractère légitime, national, moderniste a été reconnu par les hautes autorités de l'Etat. Il suffit simplement, pour les pouvoirs publics, de faire des propositions concrètes de nature à rétablir la paix en Kabylie et à mettre en place des mesures de confiance qui sont nécessaires à tous les préalables, à toutes tentatives de régler la crise dans cette région. Justement, à votre avis, pourquoi jusqu'à présent n'y a-t-il pas eu volonté réelle de régler cette crise ? • À mon sens, parce que nous n'avons pas posé le véritable problème qui est celui de la responsabilité politique dans la gestion et le règlement de la crise en Kabylie. C'est le pouvoir politique qui est responsable. La responsabilité est le pendant naturel du pouvoir. Vous ne pouvez pas vous réclamer du pouvoir et ne pas vous réclamer de la responsabilité. Il appartient aux pouvoirs publics de faire le premier pas, de mettre en place des mesures de confiance et de proposer les moyens d'entamer un dialogue pour sortir la région de cette crise profonde qui est extrêmement dangereuse dans la mesure où, dans cette partie de l'Algérie, les institutions sont paralysées. C'est une région qui vit maintenant en marge de la Nation, alors que le mouvement citoyen est un mouvement spontané qui est porteur de valeurs de dignité, de liberté et qui fait des efforts pour s'inscrire dans la démarche nationale de redressement du pays. Mais là c'est le statu quo, certains parlent d'enlisement, d'autres de pourrissement dans la région... • La situation actuelle n'est que l'expression de l'absence de responsabilité politique dans la crise. Y a-t-il une responsabilité politique dans cette crise ou pas ? Tous les représentants des pouvoirs publics se dédouanent et disent ne pas être responsables. Alors, qui est responsable de la crise ? Qui est responsable de sa gestion ? Qui doit trouver une solution ? A. C.