M. Saïd Sadi, président du RCD, était, hier, à Oran à la salle El-Feth où il a annimé une conférence de presse en marge des travaux de la convention régionale pour l'Ouest. Accompagné des membres de la direction nationale et des responsables du bureau d'Oran du RCD, M. Sadi a mis en relief des idées-forces sur les conditions de réalisation de l'Etat démocratique et social tel que défini par l'acte fondateur du 1er Novembre 1954 et le Congrès de la Soummam. Appelant les participants à la convention qui a regroupé, outre les militants et les adhérents d'Oran, ceux de Aïn Témouchent, Mascara, Mostaganem, Sidi Bel Abbès, Tlemcen, Relizane et Tiaret, le Dr Sadi devait retracer, devant les journalistes de la presse locale et nationale venus en grand nombre, les principaux axes de la démarche de son parti quant à une véritable refonte radicale du pôle démocratique en Algérie. “Il appartient au peuple de mettre fin à l'hégémonie du régime à l'origine de l'émergence de l'islamisme intégriste et de l'état de délabrement que vit le pays. Il faut qu'il y ait un sursaut national pour sortir l'Algérie du naufrage”, devait souligner le premier responsable du RCD. Dans cet état d'esprit, il rappellera la crise économique, morale, sociale et politique que traverse le pays et qui s'est “traduite par un niveau de chômage élevé, une grande érosion du pouvoir d'achat, des difficultés croissantes et insupportables pour les jeunes dont l'avenir est confisqué”. Le président du RCD estime que si maux il y a, il est urgent d'y remédier. Aussi, le conférencier a déclaré que la “solution de la crise de Kabylie dépend du seul camp démocratique, en vue de mobiliser toutes les forces vives de la nation pour le sauvetage des acquis démocratiques, avec des visions rationnelles pour le futur”. Concernant l'élection présidentielle, M. Sadi a indiqué qu'un intérêt particulier sera réservé à cette question en temps voulu. Le président du RCD a également expliqué que “la priorité première dans les engagements du RCD réside dans le secteur social pour que le bénéfice de la globalisation ne marginalise pas une partie de la population par rapport à une autre”. Pour en revenir à l'élection présidentielle, M. Sadi a estimé que “c'est une opération très dure, même si elle est menée à terme, car la clé de la crise est justement de résoudre 40 ans d'une banqueroute nationale dans ce système qui s'enlise dans la pensée stalinienne et qui n'aura pas de grandes prérogatives”. M. Sadi a laissé penser, au cours de son intervention, que l'instauration cohérente et rapide d'un pouvoir démocratique, loin des injonctions et autres ingérences, créerait, à son sens, un climat de rapprochement entre la justice et le justiciable, “pour rendre justice et non un jugement”. Dans ce contexte, l'orateur a donné des précisions en soulignant que la justice doit être revue rapidement par l'établissement d'une réelle volonté de réforme. Le Dr Sadi n'a pas manqué de rappeler l'ampleur de la répression du Printemps 2001 qui a ensanglanté la Kabylie et d'autres régions du pays. “Le pays devra être “re-terrassé” à zéro, hélas, pour contenir les dérives morales et politiques d'un système qui ne garantit pas l'égalité des citoyens et des citoyennes devant la loi et la justice sociale”, a déploré le Dr Sadi. Enfin, d'autres questions ayant trait à la réforme de l'administration et à une révision des fondements de l'éducation nationale, la laïcité, les luttes citoyennes et les perspectives politiques à la crise de Kabylie, aux missions du RCD et au statut de la femme, seront passées en revue par le Dr Saïd Sadi au cours de son introduction faite au début des travaux de la convention régionale. Lors d'un point de presse similaire, organisé la veille à Tizi Ouzou, le président du RCD devait d'abord situer l'importance de ces conventions régionales prévues à travers tout le pays. “Ce n'est pas parce que l'ENTV ne nous montre pas que nous ne faisons rien. Depuis la convention nationale de Tipasa, le 1er novembre 2002, jusqu'à maintenant, entre l'émigration et l'intérieur du pays, nous avons organisé à peu près soixante-dix activités sur le terrain qui ont toujours associé la société civile”, dit-il. “Nous avons estimé qu'il était temps d'analyser le maximum d'informations, captées à travers tout le pays, y compris dans l'émigration, pour organiser dès la rentrée un colloque international similaire à peu près aux “états généraux des patriotes républicains” de 1993, même si le MPR de l'époque a dû être stoppé pour cause de terrorisme, puisque huit cadres du MPR avaient été, rappelons-le, assassinés dont une grande figure de Tizi Ouzou, le regretté Rabah Stambouli. Il faut dire d'ailleurs qu'à l'époque le pouvoir pensait être en mesure de bloquer comme cela un mouvement politique et fédérateur des énergies démocratique. Aujourd'hui, il y a une double urgence à lutter contre la confusion politique et les dérapages de toutes sortes, comme il y a aussi nécessité de mobilisation du courant démocratique qui n'existe pas seulement au sein des partis, mais qui est bien ancré dans le monde syndical, universitaire, associatif, voire dans les professions libérales”, a déclaré Sadi. Concernant la crise de Kabylie, le président du RCD a déclaré : “Ce qui nous unit, c'est un bain de sang provoqué par des crimes qu'il faut absolument régler, point à la ligne. Que des gens s'affrontent politiquement en dehors de ce consensus est certainement de bonne guerre, cela ne me gêne pas que l'on s'attaque au RCD, mais que l'on ne l'attaque pas avec le sang des citoyens et particulièrement le sang de ses militants.” “Mais ce qui est encore grave, dit-il, c'est que j'ai l'impression que l'on traîne cette crise en longueur, parce que l'on a décidé d'asservir cette région sur le plan économique et social, car l'on considère que la Kabylie empêche le pouvoir d'avoir soi-disant une gestion stable et homogène. Ceux qui sont à l'origine de cette conception de la solution des problèmes posés dans la région par la manœuvre, par l'agression, par la corruption et par la répression disent qu'il est normal de soumettre cette région pour arriver à une mise à niveau par le bas qui permettrait, soi-disant aussi, au pays de retrouver une certaine forme de stabilité. Personnellement, je pense que les luttes démocratiques qui ont fini par avoir une résonance dans le pays font aussi partie de cette région et je considère que c'est un plus pour toute la nation”, précisera Saïd Sadi. À une question relative au “projet d'autonomie de la Kabylie”, Saïd Sadi dira : “Sur le plan du principe, je suis contre toute forme de censure, car j'estime que les gens ont le droit de dire, en toute âme et conscience, comment l'Etat doit fonctionner selon leurs propres convictions. Personnellement, je ne crois pas à un tel projet qui n'est pas crédible et qui n'a aucune chance d'aboutir. Par contre, je reconnais que la centralisation actuelle est une catastrophe pour le pays dans la mesure où deux bonhommes à Alger décident pour l'Algérie sur tout et en tout. Or, on sait tous que la centralisation dans le tiers-monde a toujours engendré deux fléaux : l'abus de pouvoir et la corruption. L'essentiel est d'accorder beaucoup plus de prérogatives et de pouvoir de décision aux collectivités locales de toutes les régions du pays. Exiger une autonomie au sein même d'un système centralisé cache mal, il faut bien l'avouer, un discours qui ne veut pas s'assumer. Excusez-moi, mais je suis un nationaliste algérien, je ne renie rien à mes origines. Je suis né ici, j'assume tout ce qui j'ai appris et ce que j'ai fait ici, je crois à ma nation. Mieux encore, je vous dirai qu'il n'y a pas d'avenir sérieux sans la construction d'une Afrique du Nord démocratique.” Concernant la récente “guerre de clans” déclenchée entre les diverses tendances du FLN, Sadi dira : “Les affrontements que l'on observe depuis quelque temps au sein du sérail sont édifiants à plus d'un titre. Moi, je pense que Bouteflika a complètement raté son mandat et que tous les dérapages constatés ces derniers temps ne sont pas sérieux du point de vue de la pédagogie politique. C'est une atteinte grave à la crédibilité institutionnelle dans notre pays, lorsqu'un chef de parti qui était de surcroît Chef de gouvernement, il y a un peu plus d'un mois, se fait agresser par des “bouledogues”, cela donne une image absolument catastrophique de l'idée nationale. Cela discrédite énormément l'Etat algérien et cela m'inquiète de plus en plus”, s'indigne le président du RCD. B. G. / M. H.