Deux cents dinars pour la variété blanche et 260 pour la noire, c'est le prix du kg de mûres au marché de Blida. Une hérésie ! s'accordent à dire les anciens qui se souviennent de la profusion de mûriers comme arbres d'alignement et d'ornement à travers la Mitidja, en particulier, et le territoire algérien, en général (excepté le Grand Sud). Avec son port étalé magnifique, véritable parasol naturel atteignant jusqu'à 20m de haut et ses fruits suaves et juteux, le mûrier faisait partie du paysage. De nombreux facteurs plaident pour ce végétal précieux qui aurait dû, sinon être replanté, du moins préservé quand on sait que cet arbre à longue durée de vie, à la poussée rapide et en tous terrains nécessite peu de soins de culture. Outre la saveur douce et délicate de ses fruits dont la valeur nutritionnelle est non négligeable, et l'intérêt que recèlent ses feuilles, son bois et ses racines, il s'adapte bien à la pollution atmosphérique et résiste à la sécheresse. Comme le caroubier (encore un arbre qui ne fait plus partie du décor), il est en voie de disparition. Les rares specimens isolés qui demeurent, résistent encore (difficilement) aux mauvais traitements qu'ils subissent à l'approche de la maturité de leurs fruits. Ce qui explique, aujourd'hui, le prix des mûres dont la cueillette était libre, il n'y a pas bien longtemps, et qui, de même que pour les grenades, les jujubes, les coings, les arbouses, les figues (dont celles de Barbarie) et les raisins de treilles, n'étaient pas commercialisés. Ces fruits, comme bien d'autres encore, étaient offerts par leurs propriétaires, cueillis ou ramassés au passage ou lors d'une promenade en montagne (c'est le cas des arbouses, des glands et des châtaignes). Cela peut sembler, aujourd'hui, invraisemblable. C'est pourtant vrai.