Il faut dire que «l'affaire Soltani» a pris une dimension énorme au sein des instances du parti islamiste et de sa base militante. La réunion, très attendue, du bureau exécutif du MSP tenue, lundi dernier, n'a pas apporté de réponses claires au interrogations posées par les citoyens et les observateurs de la scène politique nationale. Interrogations nées à la suite de la surprenante sortie médiatique du premier responsable du MSP qui a fait état de l'existence de dossiers et d'une liste de hauts personnages de l'Etat liés au phénomène de la corruption. Un véritable pavé dans la mare qui a fait jaser la classe politique nationale. Même si Boudjerra Soltani n'est pas à sa première sortie tonitruante puisqu'il s'est déjà distingué par la menace de démission de ses ministres du gouvernement actuel qu'il avait brandie au cas où la demande d'interdiction d'importation de boissons alcoolisées n'est pas satisfaite. Mais cette fois, il s'agit d'un sujet plus sensible et d'une autre dimension politique, la corruption. Le bureau exécutif du MSP n'ignorait pas la difficulté de la tâche qui l'attendait en lançant l'opération «stop corruption», phénomène qualifié par les cadres de la direction du parti de «sida économique et social». Le communiqué sanctionnant le conclave de lundi note que le bureau exécutif s'attendait à un soutien à son opération anti-corruption considérée comme une mission noble, légaliste et nationaliste qui, en fin de compte, a suscité «des réactions diverses dont certaines ont condamné cette entreprise comme si le carré de la lutte contre la corruption est une zone interdite ou assimilée à un tabou qu'il ne fallait pas toucher». Plus loin, les rédacteurs de la déclaration politique relèvent à ce sujet qu'«un parti politique qui se respecte ne peut pas rester les bras croisés devant la dilapidation des deniers publics, scandales relatés par la presse nationale au quotidien avec des détails et des noms, et concernent des dizaines de milliers de milliards qui auraient pu servir à la construction de milliers de logements ou la création de milliers d'emplois, sans pour autant se substituer aux institutions judiciaires et sécuritaires spécialisées». Le bureau politique du MSP réitère, à l'occasion, la volonté du parti «à continuer l'opération ´´stop corruption´´ et l'élargir à tous les nationalistes soucieux de la préservation du Trésor public, tout en collaborant avec les institutions officielles et la société civile concernées par la lutte contre la corruption car le parti fera peu cas des tentatives visant à faire avorter cette initiative...». Pour ce qui est des dossiers de corruption, la direction politique «les traitera dans son cadre juridique ordinaire», ce qui sous-entend que Boudjerra Soltani a le soutien de son parti pour répondre aux sollicitations de l'appareil judiciaire qui a déjà pris l'affaire en main suivant les directives du premier magistrat du pays qui a instruit les juges et les procureurs de la République pour donner suite à toute déclaration portant sur la dénonciation de la corruption. L'affaire Soltani est, d'après des sources judiciaires, en instruction et il faut s'attendre à voir le président du MSP faire l'objet d'une convocation du parquet d'Alger pour appuyer ses déclarations avec des preuves impliquant les personnalités de sa fameuse liste noire. L'Algérie avait connu, dans les années quatre-vingt, un même scénario avec la déclaration faite par l'ex-chef de gouvernement de la période du président Chadli Bendjedid, Abdelhamid Brahimi, au sujet du détournement des vingt-six milliards de centimes. Une sortie qui a eu l'effet d'une secousse tellurique qui a ébranlé la société et les institutions de l'Etat sans que cela fasse l'objet d'une quelconque action judiciaire. Les Algériens prenaient connaissance, pour la première fois, de l'existence et de l'application de la règle des 10% dans les transactions du commerce extérieur sans découvrir les heureux bénéficiaires du trésor détourné. Le dossier a vite été refermé et, depuis, l'auteur de la déclaration mène une vie d'exil doré en Angleterre. Il convient de rappeler que Abderezak Mokri, un cadre dirigeant influent dans le mouvement islamiste, n'a pas hésité à interpeller le président de la République au sujet de la déclaration faite en 1999 au sujet des «quinze barons qui gèrent le commerce extérieur de l'Algérie». Il faut dire que «l'affaire Soltani» a pris une dimension énorme au sein des instances du parti islamiste et de ses militants, à la mesure des dégâts occasionnés par ce fléau dans la société, ces derniers s'attendent, d'ailleurs, à juger sur pièce le poids de leur cadre partisan dans l'échiquier politique national, à la veille d'échéances électorales décisives. C'est ce qui ressort, en premier lieu, de la déclaration rendue publique, hier, par le président du conseil consultatif du MSP, Hadj Mohamed Megharia, qui a revendiqué et confirmé le contenu du dernier communiqué du bureau exécutif du parti, et rappelé que l'opération «corruption stop» est une initiative décidée par le mouvement et discutée par le conseil consultatif national dans sa session du 31/12/2005 et proposée au bureau exécutif pour son suivi et application à travers une commission nationale mise sur pied en date du 03/02/2006. Ce soutien vient marquer la cohésion des rangs au sein du parti en prévision des lendemains difficiles qui pointent à l'horizon. Mais cela ne résout en rien le fond du problème, à savoir l'existence ou non de dossiers et de la liste de corrompus de haut rang.