La conférence d'hier a une nouvelle fois posé la problématique de la reconnaissance par la France des crimes commis durant la colonisation. “Ce crime impuni que sont les essais nucléaires français dans le Sahara algérien sera un jour puni.” Cette phrase pleine de détermination est de l'avocate Fatma Benbraham, membre du Comité reconnaissance, indemnisation et mémoire des essais nucléaires français au Sahara algérien (Crimes) qui s'emploie à amener, un jour, la France à assumer son passé colonial en Algérie. Lors d'une rencontre organisée hier au forum d'El Moudjahid, Mme Benbraham dit détenir l'arme fatale pour traîner la France devant la cour pénale internationale : le traité de Rome et l'article 8 du droit international. “Le temps est venu de dresser des tribunaux internationaux pour juger les crimes coloniaux”, s'écrie-t-elle. Elle dit détenir plusieurs documents battant en brèche tous “les mensonges” entretenus par la France à propos de ce dossier. Elle cite un document secret de 256 pages démentant les assertions françaises quant à l'inexistence d'essais pour une bombe H. “Les militaires français ont menti à leurs troupes et à la population française”, s'est-elle offusquée. L'autre document dont elle est détentrice est un rapport quotidien d'un colonel français qui parle de la présence de 29 enfants français dans la région au moment de l'explosion de la bombe. Concernant la loi Morin, Mme Benbraham la trouve bien “pernicieuse”. Une loi qui n'est, à ses yeux, rien d'autre qu'une issue de secours pour la France qui a été fortement secouée en 2008 par la diffusion par Al Jazeera d'un documentaire sur les essais nucléaires français à Reggane. Mieux, elle reproche à la France de vouloir être juge et partie. “C'est elle qui nous a causés du tort et c'est elle qui décidera du sort des dossiers d'indemnisation”, tonne-t-elle. Interrogée sur l'acharnement de son comité, tout en épargnant les autorités algériennes qui brillent par un silence assourdissant, Mme Benbraham affirme qu'elle se pose, elle aussi, des questions sur le mutisme des dirigeants algériens mais se désole de ne pouvoir répondre à une telle question au motif qu'elle n'est pas une femme politique ni membre du gouvernement. Pour sa part, Ammar Mansouri, chercheur en physique nucléaire et membre du comité dont il est question plus haut, assure que ce n'est pas la commission auprès de laquelle seront déposés les dossiers d'indemnisation qui fera le tri, mais c'est plutôt au ministre Hervé Morin de décider de tout. “Tout est militarisé. C'est Hervé Morin qui décide des indemnisations”, s'élève-t-il. Et de s'interroger : “Comment les Algériens peuvent-ils être satisfaits d'une loi ayant suscité les critiques des Français eux-mêmes ?” Il déplore le peu d'implication de la société civile dans un débat qui intéresse au plus haut point les Algériens. De son point de vue, les habitants des régions contaminées doivent procéder à un travail minutieux de recensement de tous les détails ayant trait à cette question. “Il faut constituer des dossiers scientifiques et solides”, conseille-t-il. Ceci dit, il assure qu'il ne mène pas ce combat par désir de vengeance, mais plutôt par le souci de faire triompher la vérité historique. Après quoi, il lira à l'assistance un appel signé par des gens d'horizons divers lancé à la France pour la reconnaissance et la réparation des conséquences des essais nucléaires français au Sahara algérien sur la santé et sur l'environnement par l'indemnisation des victimes et la réhabilitation et la sécurisation des sites où étaient effectués les essais. Les initiateurs de cet appel exigent trois choses de la France : l'ouverture des archives des essais nucléaires français au Sahara algérien encore classées secret-défense, la mise en place d'une commission mixte d'évaluation et de suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires français au Sahara algérien, et, enfin, la création d'un fonds pour l'indemnisation et le suivi médical des victimes algériennes mais la réhabilitation et la sécurisation des trois sites d'essais au Sahara et la gestion des déchets radioactifs générés par lesdits essais.