Alger était pavoisée, hier aux couleurs égyptiennes pour la visite “d'amitié et de courtoisie” de Hosni Moubarak. Si cette visite a permis au président égyptien de présenter ses condoléances à son homologue algérien, le caractère officiel de la rencontre ne fait aucun doute. Abou El-Gheït a, d'ailleurs, évoqué l'objet politique de “la rencontre prévue (hier) entre les deux chefs d'Etat” et la précédente rencontre à Nice (France) : elles “confirment la ferme volonté des deux présidents, peuples, et gouvernements et des deux Etats de poursuivre l'édification d'une relation forte pour la défense des droits arabes et la préservation de la sécurité de la région”. On peut, au passage, apprécier la discrétion qui a caractérisé la gestion de cette visite officielle : alors que les drapeaux égyptiens flottaient depuis le matin sur les principales artères de la capitale, l'agence officielle n'annonçait le voyage de Moubarak qu'une fois le raïs arrivé dans notre pays ! On n'aura ainsi même eu le temps de s'interroger sur la compatibilité d'une telle visite avec l'appréciation que l'opinion générale se fait de l'état des rapports algéro-égyptiens que le fait était déjà accompli et qu'il est question de la ferme volonté “des deux présidents”, mais aussi “des peuples” de “poursuivre l'édification d'une relation forte, etc.” ! On ignore ce qui s'est dit entre les deux chefs d'Etat et entre les deux ministres des Affaires étrangères, mais on observe que l'autorité officielle n'a pas jugé nécessaire de préparer une opinion publique qu'on croyait remontée contre une Egypte qui s'est rendue coupable d'une violente embuscade contre l'équipe nationale au Caire, puis d'une haineuse campagne médiatique et… politique. De ce côté-ci, les intérêts égyptiens n'ont pas été ménagés et les talents polémistes ne se sont pas bridés. Tout cela, peut-on croire, méritait un minimum de compte avant normalisation. Ne serait-ce que pour les besoins de la pédagogie, histoire d'éviter qu'à l'avenir la “fraternité” ne tourne ainsi, si facilement, à la répulsion. À moins de penser que l'affrontement devait durer le temps que durerait l'aventure de l'équipe nationale de football et qu'il fallait s'attendre que le bras de fer médiatique algéro-égyptien devait prendre fin au coup de sifflet final de l'arbitre de la dernière rencontre. Quitte à souffrir le rôle de l'apôtre de la rupture en ces temps où la réconciliation, à tout prix, a gagné le statut de dogme et autorise le sacrifice des valeurs les plus établies, rappelons que, les chefs-d'œuvre de calomnies télévisés, les irréparables invectives et la coûteuse campagne de Khartoum ont laissé quelques traces dans la conscience populaire. Ce déficit sentimental mérite peut-être d'être pris en compte dans la volonté de normalisation qu'elle soit d'initiative algérienne ou égyptienne. Bien sûr, depuis la concorde civile et, surtout, la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, plus rien n'étonne dans la disponibilité nationale à reconsidérer son appréciation de ce qui est amical ou inamical, de ce qui fraternel ou belliqueux. Mais il y a quelque chose de dangereux dans cette culture de la page blanche sans cesse renouvelée qui fait de nous un peuple toujours contraint de fermer les yeux sur ses épreuves. Une nation peut-elle indéfiniment vivre de sa capacité à oublier ? M. H. [email protected]