Le Mondial-2010 a réservé son lot d'émotions fortes, comme l'élimination du Brésil en quart de finale ou le but de 37 m de Van Bronckhorst en demi-finale, mais le tournoi a souvent été frustrant pour les amateurs de foot, surtout au premier tour. Il y avait tant d'attente autour d'un football festif avec six équipes d'un continent africain accueillant son premier Mondial ! La déception a été à la hauteur. Eto'o et Drogba, pour ne citer qu'eux, devaient assurer le spectacle. Il n'en a rien été. Certains ont des excuses, comme Drogba, arrivé blessé à un bras. D'autres non, comme Eto'o, symbole d'une équipe gangrenée par les querelles d'ego et les règlements de compte permanents. Il y avait aussi ces stars qui devaient tout exploser, Rooney, Ribéry, Messi ou Cristiano Ronaldo. Le bilan est cruel. Les trois premiers sont partis sans marquer, le dernier n'a inscrit qu'un but contre la minuscule Corée du Nord. Rooney a été dépassé, Ribéry s'est conduit comme un sale gosse, Messi a suivi trop sagement les mauvaises consignes de Maradona et Cristiano Ronaldo n'a été qu'une caricature de lui-même. Le Mondial a longtemps cherché ses stars mais aussi son match référence. Le premier tour est resté à cet égard désespérant. Avec une moyenne de 2,08 buts par match lors des 40 premières rencontres, l'édition 2010 se classe derrière le Mondial-90, le moins prolifique depuis 28 ans (2,21 buts en 52 matches) et loin derrière le Mondial-82, le plus riche en buts (2,81 de moyenne). Avec les matches à élimination directe, l'intensité est enfin survenue comme les penaltys en folie du quart Uruguay-Ghana — mais le niveau de jeu et le spectacle n'ont pas toujours été emballants pendant 90 minutes, voire plus. Une demi-finale avec 5 buts comme celle des Pays-Bas et de l'Uruguay (3-2) n'a pas été passionnante d'un bout à l'autre. L'ouverture du score de Van Bronckhorst, d'une frappe magnifique de 37 m, masque un match où les individualités ont brillé aux dépens du jeu collectif. La jeune Allemagne (un peu plus de 24 ans de moyenne) a été réjouissante à voir, notamment quand elle a démembré l'Argentine (4-0) en quartde finale. Mais à quoi sert de jouer si bien, vers l'avant, avec tant de liant, si c'est pour finir paralysée contre l'Espagne en demi-finale (1-0) ? Heureusement, le label José Mourinho, déposé avec la victoire en Ligue des champions d'un Inter Milan bétonné laissant la balle à l'adversaire, n'a pas été adopté par les équipes qui sont allées le plus loin dans la compétition. France et Italie, finalistes 2006, sont partis au premier tour et ce n'est que justice. Sans parler de l'extrasportif, les Bleus se sont montrés bien ternes sur le terrain, revenant à un système 4-2-3-1 avec deux milieux récupérateurs alors que toute la préparation avait été axée sur un 4-3-3. Les Italiens ont cru à tort leurs trentenaires — Buffon, Cannavaro, Zambrotta, Gattuso, Pirlo, Iaquinta — encore capables de tirer le rideau de fer pour écœurer leurs adversaires. Dunga a lui aussi payé le prix fort d'un pari ultradéfensif qui lui a coûté son poste au Brésil et la plus amère des éliminations, 2-1 contre les Pays-Bas après avoir mené 1-0. Les équipes qui proposent du jeu ont survécu. Ainsi, l'Espagne, même si elle a du mal à retrouver le rayonnement de 2008, vit toujours au rythme du “toque”, ce jeu de passes à une touche, animé par Xavi, Iniesta, Villa et leurs comparses. Le football des Pays-Bas n'a pas cette dimension ludique ni cette maîtrise technique, mais Kuyt, Sneijder et Robben sont des obsédés du but. Le Mondial-2010 a au moins échappé au cauchemar de l'Euro-2004, quand une Grèce au jeu minéral avait posé ses pierres jusqu'au titre final.