En décembre 2003, la section femmes de l'UGTA a ouvert un centre d'écoute et d'aide aux victimes (CEA) de harcèlement sexuel. La Commission nationale des femmes travailleuses (CNFT) a pris en charge “des centaines de cas avérés” de harcèlement sexuel provenant de toutes les régions du pays. Au-delà de l'écoute qui soulage la victime, le CEA a élaboré et proposé une stratégie pour aider psychologiquement, informer et accompagner les femmes, pour la résolution de leur problème et pour défendre leur droit au travail, à l'existence et à la dignité. D'après la responsable du centre, Soumia Salhi, “la violence subie dans le silence, la honte et la culpabilité” a trouvé un écho au CEA. Les bilans établis par la CNFT, pour la période 2004-2008, indiquent qu'en plus des appels, 388 travailleuses ont témoigné, en 2004, être victimes de harcèlement sexuel dans le milieu professionnel, contre 200 femmes en 2005 et 205 femmes l'année suivante. Pour la Commission femmes de l'UGTA, aucun secteur, aucun métier, aucune région du pays n'échappent au phénomène du harcèlement sexuel. Celle-ci a également découvert que les victimes, tous secteurs (privé ou public) confondus, se retrouvent dans toutes les catégories socioprofessionnelles, de la femme de ménage sans qualification aux plus instruites qui, parfois, disposent d'une responsabilité, en passant par les ouvrières et les techniciennes supérieures. Les victimes seraient âgées de 21 à 53 ans, tous statuts matrimoniaux confondus. Pourtant, les tableaux montrent que les célibataires et les divorcées, de même que les femmes en instance de divorce, constituent le gros des victimes. Les entretiens révèlent, pour leur part, un quotidien difficile à gérer. Selon les témoignages, les victimes présentent des symptômes faisant partie du registre dépressif ou psychosomatique : insomnies, pertes d'appétit, perte de tonus vital, désintérêt socioaffectif, irritabilité, colères, agitation, perte de confiance en soi et perte de l'estime de soi. Ces signes livrés par téléphone comprennent aussi la souffrance et la peine psychique. Dans ce cadre, il est fait mention de difficultés respiratoires ou de malaises cardiaques, de troubles gastriques, de lésions cutanées (eczéma, psoriasis… ), de vertiges, de migraine, etc. Par ailleurs, il est noté que la majorité des victimes ont eu recours aux médecins généralistes ou à des spécialistes, et consomment des sédatifs, des tranquillisants, anxiolytiques, voire des neuroleptiques. Sur un autre plan, les tableaux de la CNFT donnent une idée du harceleur. Que ce soit dans le secteur public ou dans le privé, l'auteur du harcèlement sexuel dispose d'un pouvoir hiérarchique, grand ou petit : directeur, chef de département, chef de service, employeur ou gérant. Grâce aux témoignages des victimes, on dénombre quelque 200 harceleurs en 2005, dont 55 directeurs, 40 chefs de département et 30 chefs de service, dans le secteur public, contre 60 employeurs et 5 gérants dans le privé. Sans oublier l'agression des collègues hommes dans le secteur public : 10 en 2005 et 9 en 2006. Les chiffres sont relativement en hausse, l'année suivante, avec la désignation de 205 harceleurs. Au cours de l'année 2006, le secteur public compte, comme harceleurs, 51 directeurs, 45 chefs de département et 36 chefs de service. Quant au secteur privé, il compte, la même année, 52 patrons d'entreprise et 12 gérants.