A l'initiative de la Commission nationale des femmes travailleuses (CNFT) de l'UGTA, un centre d'écoute et d'assistance aux femmes victimes de harcèlement sexuel a vu le jour en décembre 2003. « Une grande avancée, mais il y a encore du chemin à faire », commente Soumia Salhi, initiatrice du projet et présidente de la CNFT. L'aspect positif, s'il en est, est le fait de briser le silence. Les langues se délient en dépit des proportions alarmantes qu'atteint le phénomène. Certes, la sonnerie du téléphone du centre (CEA, 021 66 36 60) ne retentit pas à longueur de journée, 1400 appels étant enregistrés depuis son ouverture. Hébergé et financé par la centrale syndicale UGTA, le centre ne se limite pas à une simple conversation téléphonique. Deux femmes psychologues assurent, dans tous les cas, une permanence « thérapeutique ». Selon un rapport établi par les animateurs du centre, certaines femmes optent pour le déplacement sur place. D'autres émettent leurs témoignages par e-mail ou par fax. Les plus « réticentes » se font représenter par un ami ou un proche afin de témoigner à leur place. Les femmes qui appellent en groupe pour exprimer ensemble leurs souffrances sont inscrites également au registre. La tranche d'âge varie de 21 à 55 ans. Selon le CEA, les « bourreaux » sont plus nombreux dans le secteur public que chez le privé. La victime est harcelée, le plus souvent, par son chef hiérarchique. A l'instar des célibataires, les femmes mariées en font aussi les frais. « C'est un phénomène qui montre la déliquescence des valeurs culturelles traditionnelles où la femme mariée est respectée, en raison du fait qu'elle porte le nom d'un homme et donc lui appartient », relève le rapport du CEA. Cela dit, la mission du CEA est d'intervenir aussi sur les « lieux du crime », en saisissant, le cas échéant, le premier responsable (directeur général d'institution, PDG d'entreprise, P/APC si le lieu de travail est une mairie). Il a latitude également d'assister la victime auprès des services de l'inspection du travail. Pour Soumia Souilah, l'heure n'est plus « uniquement » à l'écoute. « Nous devons dépasser l'étape de dénonciation dans la mesure où le harcèlement sexuel est consacré comme un délit dans le code pénal (article 341 bis) », dit-elle. Les statistiques des services de sécurité ne mentionnent pas, toutefois, ce type de délit. « Nous n'enregistrons pas de plaintes liées au harcèlement sexuel. Cela s'explique, je crois, que dans beaucoup de cas, le quitus de la famille est incontournable à la femme algérienne appelée à travailler. De là à mettre son entourage dans la confidence, il y a encore un grand pas à franchir. La femme harcelée préfère se taire et cela reste, malheureusement, un tabou », soutient le colonel Ayoub, chef de cellule de communication de la Gendarmerie nationale. Dans un rapport publié le 2 décembre 2003, la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH) avait enregistré avec satisfaction cette disposition tout en émettant des réserves. « L'article présente une définition très restrictive », a estimé Me Boudjemaâ Ghechir, président de la LADH.