Les Algériens ont de plus en plus recours aux mouvements sociaux. Et comme arène de leur contestation : la rue. Laquelle est devenue, ces derniers mois, un espace d'altercations par excellence. Il faut dire que tous les ingrédients sont réunis pour une explosion de la colère populaire. En effet, des actions “contre”, ce n'est pas ce qui manque, d'où “cet agir ensemble” qui se vérifie jour après jour. On l'a vu lors du relogement des habitants des quartiers La Boucheraye, Fontaine-Fraîche et Diar El-Kef, situés dans la commune de Oued Koriche (daïra de Bab El-Oued). L'opération avait été suivie, pour rappel, de violents affrontements qui ont opposé des jeunes habitants aux forces antiémeutes. D'ailleurs, qu'ils s'agissent d'opérations de relogement à l'instar de celle des Eucalyptus ou de l'affichage des listes de bénéficiaires de logements, la rue est systématiquement occupée, au grand dam des responsables locaux. La wilaya de Béjaïa a connu durant cet été plusieurs mouvements de rue. Depuis la fermeture de la RN26, au niveau d'Allaghen dans la commune de Tazmalt, à celle de la RN24, au niveau d'Ighil El-Bordj dans la commune de Béjaïa, il y a eu plusieurs mouvements sociaux : communes de Feraoun, Barbacha, Oued-Ghir et Souk El-Ténine, les quartiers Dar Djebel et Taghzouit dans le chef-lieu de wilaya, etc. Mais avec quasiment les mêmes répertoires d'action collective. À Allaghen, c'est le tracé du dédoublement de la ligne ferroviaire qui a fait sortir les habitants du quartier concerné. Pour se faire entendre des autorités, ils ont bloqué la RN26. Ce qui a provoqué des désagréments certains aux usagers de la route. Le retard qu'a accusé le projet de Tichi Haf s'explique, en partie, par les oppositions qu'il a suscitées chez les riverains. Il faut dire qu'en termes de communication, beaucoup d'effort reste à faire. Il est toujours nécessaire d'associer les propriétaires terriens avant l'entame d'un projet structurant comme celui de l'acheminement de l'eau à partir du barrage de Tichi Haf jusqu'au chef-lieu de wilaya. La direction des travaux publics devrait s'en inspirer avant d'engager les travaux de la pénétrante dont un bureau d'études étranger vient d'être retenu suite à l'appel d'offres international. Autre raison de la colère, le problème d'eau, qui est récurrent dans cette partie du pays. C'est le cas notamment dans les campagnes et les quartiers périphériques de la ville. Mais curieusement, le mode de mise sur agenda du problème est survenu après la visite du ministre des Ressources en eau, pas avant, comme l'enseigne la sociologie de la construction des ouvrages publics. Il faut surtout s'interroger pourquoi les Algériens ont recours à la rue pour se faire entendre ? Les relais de la société existent. Des milliers d'élus locaux appartenant à des partis de l'opposition ainsi que de la majorité – de la coalition présidentielle –, des parlementaires, des animateurs associatifs, des avocats, des journalistes couvrant les coins les plus reculés du pays, etc. Quelque part ce lien a été rompu. Il y va de la crédibilité des institutions, depuis le chef-lieu de commune jusqu'à la Présidence, de réhabiliter en urgence ces relais de la société. Car, s'il est possible de faire face à un mouvement social circonscrit dans le temps et l'espace, il sera difficile de réagir un peu partout et en même temps.