Mettra-t-on les moyens à même de sauver ces enfants livrés au malheur et à la perdition ? Ces enfants ont-ils droit à la vie, à une part de rêve, à un avenir ? Après ces mort-nés que l'on repêche dans les décharges publiques ou que l'on retrouve au pied des immeubles, drapés dans des sacs poubelles en plastique, comme de simples déchets rejetés par une société sans amour, des enfants vivent encore dans l'expectative et la peur. L'image de ce petit garçon croisé seul au milieu d'une décharge publique près de Larbaâ Nath Irathen est plus éloquente que tous les discours possibles en matière de misère humaine. Chargé de récupérer des déchets pour les besoins du recyclage, ce garçon âgé d'à peine 13 ans est resté du matin au soir à côtoyer les chiens malades et les rats, sans manger ni boire, abandonné à son triste sort par son propre père ou on ne sait quel autre tuteur qui l'exploiterait éhontément et qui viendra le “ramasser” le soir comme un piteux rebut d'une société malade. Ce garçon donne une image noire qui horripile les passants, appelés à regarder l'autre face de l'humain, celle qui côtoie l'animal. Vêtu de guenilles, crasseux des pieds à la tête, chaussé de bottes en plastique, visiblement plus grandes que sa pointure et qui débordent d'ordures, rien ne le distingue plus des déchets où il barbote sans aucune protection. Qui sont ces gamins que l'on croise sur nos routes livrés à la débrouille ? Au même moment, les enfants de leur âge sont sur les bancs de l'école, tandis que ces maudits sont exploités par leur propre famille pour une bouchée de nourriture. Ces scènes ne sont pas aussi rares que l'on veut le croire et se rencontrent tous les jours pour dénoncer une situation ô combien dramatique. Les pouvoirs publics tardent à prendre en charge de manière radicale ce genre de comportements qui porte atteinte directement à l'enfance. Où sont les organismes et les associations dont c'est le rôle de les prendre en charge ? Nos services de solidarité, au lieu de s'attaquer à ce genre de maux, à la misère sociale qui touche notamment cette frange, afin de sauver ces enfants de la rue, de ces menaces et de ces dangers qui présagent un destin tumultueux, préfèrent ignorer ces plaies ouvertes. Au lieu de s'attaquer à la réalité du mal, à sa manifestation quotidienne, on se contente de faire des bilans sur des couffins à servir le jour de l'Aïd ou pendant le Ramadhan, notamment au niveau de nos communes. En parallèle, des enfants souffrent, certains meurent de leur misère, on ne les voit pas passer, ils sont comme des fantômes, livrés à leur errance ; on ne veut pas voir, on ne veut pas penser… Il est très difficile de parler avec eux, tant ils se trouvent terrorisés par leurs parents, ceux qui les exploitent, ceux qui les livrent à tous les harcèlements, à la non-vie, aux fléaux sans nom… C'est le cas d'un enfant croisé dans une décharge publique près d'Iferhounène. Ce dernier prendra la fuite après notre tentative de prendre des photos, de l'interroger sur sa condition de maudit. Le garçon, étranger à la région, se trouvait dans les bas-fonds d'un ravin ; déposé durant la matinée, il est chargé de récupérer du caoutchouc, du plastique et du fer au milieu d'une décharge sauvage… Mettra-t-on les moyens à même de sauver ces enfants livrés au malheur et à la perdition ? Ces enfants ont-ils droit à la vie, à une part de rêve, à un avenir… ?