Membre de la commission intersectorielle contre la violence, au ministère de la Jeunesse et des Sports, ancien arbitre international de football, membre de la Commission nationale de la réinsertion sociale des jeunes détenus, le président de l'association Ouled El-Houma, Abderrahmane Bergui, explique les causes de la situation dramatique que vivent les jeunes. Une situation de violence extrême, saupoudrée de fléau, comme la consommation de drogues et de la montée en puissance de la criminalité. Liberté : Dans certaines quartiers, les jeunes vivent dans une complexité de fléaux sociaux, notamment l'émergence de la délinquance juvénile. Pourquoi ? Abderrahmane Bergui : Cette frange de jeunes livrée à elle-même devient une proie facile à la manipulation de toutes sortes pour exécuter des sales besognes commanditées par des personnes mal intentionnées mettant en place des réseaux bien implantés dans les cités et quartiers à très forte population, pour exploiter la situation des jeunes en difficultés et n'ayant aucune ressource. Nous sommes convaincus que l'unique moyen de faire face à cette situation est de revoir la stratégie de prise en charge en étroite et coordonnée collaboration avec toutes les structures concernées (services de sécurité, APC, wilayas, mouvement associatif et ministères). Comment réagir devant ce constat ? La situation actuelle prend de l'ampleur et se généralise. On doit s'attaquer aux causes au lieu des effets. L'implication de tous est indispensable pour apporter aide et soutien à cette catégorie de jeunes en difficulté, afin de les soustraire de leur environnement difficile et hostile, et les intégrer dans la vie active. Cette situation nous oblige à nous impliquer dans le propre environnement des jeunes, et ce, pour être à l'écoute de leurs aspirations et préoccupations sans aucun intermédiaire. Cette nouvelle approche que nous préconisons sera considérée par les jeunes des quartiers comme une marque de considération à leur égard. Nous proposons la mise en place de cellules dans des quartiers très sensibles et à forte population, gérées par des jeunes qui maîtrisent parfaitement l'environnement et possèdent des qualités naturelles et intrinsèques d'organisateurs à l'occasion de toutes les manifestations de proximité. Mais il se trouve que ces cités deviennent de véritables pépinières de violence et de gangstérisme… En effet, en l'absence d'animation et de loisirs, que ce soit d'ordre sportif ou culturel, les jeunes non encadrés restent livrés à eux-mêmes. Le jeune devient une proie facile à toutes les manipulations. Un autre phénomène qui prend une ampleur considérable tout en donnant une image regrettable de nos villes, c'est le gardiennage des parkings qui se fait d'une manière anarchique et qui génère d'importantes recettes. Certains se comportent d'une manière violente et menaçante avec une tenue débrayée et armés, parfois, d'un gourdin et même d'armes blanches, imposant leur diktat au citoyen, sans que personne n'ose réagir, de peur de représailles. Ce qui est très surprenant, est que les gardiens de ces parkings ne sont ni identifiés, ni recensés, ni structurés par les autorités locales. Il y a une volonté sincère de nos instances politiques pour aider cette frange de jeunes, et les moyens existent. Le seul problème, c'est l'absence d'une stratégie qui répond à la réalité du terrain et la non-implication des autorités locales. Violence et drogue sont les deux facteurs majeurs qui génèrent les situations fâcheuses dans nos rues comme dans nos stades. Où allons-nous ? Le football, de nos jours, est devenu une passion qui influe sur tout un peuple et plus particulièrement la jeunesse. Les enjeux financiers du football sont devenus considérables. Nous avons recensé toutes les causes qui génèrent la violence, et nous avons introduit toutes les recommandations retenues par la commission intersectorielle afin d'agir légalement et de clarifier le rôle de tout un chacun. Aujourd'hui, l'anarchie et l'insécurité règnent dans nos stades. Malheureusement, il faut le dire, dans la gestion de certains stades, beaucoup trouvent leur compte. Je citerai les tristes affaires de la billetterie lors des deux dernières rencontres internationales, Algérie-Zambie au stade Chaker de Blida, et Algérie-Serbie au stade du 5-Juillet, où les billets d'accès ont été vendus plus de dix fois leur prix réel, sans parler des scènes de violence qui ont suivi ! La solution ? Nous n'avons pas la prétention d'éradiquer tous les fléaux, mais plutôt d'apporter une contribution pour les juguler. Ces problèmes s'accumulent et gangrènent notre jeunesse. Le problème des jeunes en difficulté et l'émergence de la délinquance juvénile, ne sont pas du seul ressort de la Gendarmerie nationale, de la DGSN ou de la justice. Certes, il faut sanctionner, mais la prévention, la sensibilisation et la communication constituent un enjeu majeur pour arriver à endiguer les causes.