Sans citer nommément l'Algérie, le souverain alaouite ne s'est pas privé vendredi soir, dans son discours du trône, de la rendre responsable de la situation au Sahara occidental, alors que des sources onusiennes estiment que le dossier est bloqué en raison du refus du Maroc et des Sahraouis de modifier leurs positions respectives, qui sont aux antipodes l'une de l'autre. Fidèle à sa politique jusqu'au-boutiste consistant à refuser de voir la réalité du terrain en s'accrochant à sa seule proposition d'autonomie pour le Sahara occidental, catégoriquement rejetée par les Sahraouis, Mohammed VI n'a pas raté l'occasion de son discours du trône pour encore une fois tenter de faire porter le chapeau à l'Algérie, qu'il désignera par les termes “nos adversaires”, ou “ennemis de notre intégrité territoriale”. Versant cette fois-ci dans l'euphorie, il affirme : “À mesure que s'accroît le soutien international en faveur de cette initiative courageuse, reconnue par l'ONU comme étant sérieuse et crédible, nos adversaires persistent dans leurs manœuvres désespérées visant vainement à l'entraver.” Avant d'ajouter : “L'obstination des ennemis de notre intégrité territoriale ne fera que conforter le Maroc dans sa marche vers la démocratie et le développement.” Tentant même de falsifier l'histoire, le monarque chérifien, qui s'exprimait dans un discours radiotélévisé à l'occasion du 57e anniversaire de la “Révolution du Roi et du Peuple”, commémorant la décision en 1953 des autorités coloniales françaises d'exiler à Madagascar le roi Mohammed V, père de l'indépendance du Maroc, est revenu sur le recouvrement de l'indépendance par son pays en 1956, en disant que le combat mené par le peuple marocain a touché même les contrées du Sahara. Ce qui est totalement faux, car le Sahara occidental était une colonie espagnole, tandis que le Maroc était sous protectorat français. À ce sujet, il indique que le combat pour le recouvrement de l'indépendance n'était pas l'apanage d'une élite, mais “c'était plutôt une bataille menée par tout le peuple, dans les villes et les campagnes, les montagnes et les contrées du Sahara, et impliquant toutes les couches sociales et les catégories d'âge, hommes et femmes, jeunes et adultes”. Apparemment non satisfait de son projet de “régionalisation avancée”, qui tarde à voir le jour, et toujours dans l'espoir de convaincre du sérieux de la proposition marocaine d'autonomie, Mohammed VI met cette fois-ci sur la table “la large déconcentration”, avec pour but, affirme-t-il, “d'imprimer une forte impulsion à notre modèle original de développement et d'organisation institutionnelle”. Pour rappel, en janvier dernier, le roi du Maroc a créé une Commission consultative de régionalisation (CCR), dirigée par Omar Azziman, ancien ministre de la Justice et actuel ambassadeur du Maroc à Madrid, qui avait été chargée de réfléchir à “un modèle maroco-marocain de régionalisation”, en évitant de “sombrer dans le mimétisme ou la reproduction à la lettre des expériences étrangères”. Cette commission doit rendre les résultats de ses travaux en principe début 2011. Par ailleurs, à en croire le quotidien espagnol El-Pais, l'ONU est pessimiste quant à un possible règlement au Sahara occidental et souhaite l'intervention de Madrid ou de Paris pour convaincre le Maroc et le Polisario de négocier. Le pessimisme de l'ONU a été exprimé par son émissaire pour le Sahara occidental, l'Américain Christopher Ross, dans un courrier adressé fin juin au groupe des cinq pays dit “amis” qui suivent les négociations, à savoir les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, l'Espagne et la France, selon la même source. Dans cette correspondance, dont le contenu est détaillé sur le site internet du journal, Christopher Ross estime que ni Rabat ni le Polisario n'ont “la volonté politique d'engager de véritables négociations”, et ajoute qu'il ne parvient pas à les convaincre de modifier leur position. Il demande donc “le soutien spécifique du Conseil de sécurité de l'ONU et du Groupe des amis”, pour les pousser à reprendre des discussions susceptibles de mettre fin au conflit. Citant un proche du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, le journal ibérique estime qu'il s'agit d'un “appel à l'aide à Paris, Madrid et Washington”, les capitales les plus intéressées par une solution au Sahara Occidental. “Le statu quo est inacceptable à long terme”, précise M. Ross dans son courrier, dans il lequel il note l'intransigeance du Maroc et suggère aux capitales occidentales d'intervenir auprès d'Alger.