Les négociations avec les ravisseurs des deux otages espagnols se sont déroulées pendant neuf mois sur le territoire malien. L e principal médiateur révèle qu'il s'est déplacé pas moins de 10 fois dans les camps de l'Aqmi basés au nord du Mali où il a négocié la libération des otages “directement avec Belmokhtar”. Le médiateur principal dans cette affaire dévoile son rôle. Mustapha Ould limam Chafi a confirmé qu'il avait mené personnellement les négociations entre l'organisation terroriste Aqmi et les autorités espagnoles pendant les neuf mois qu'aura duré cette prise d'otages, la plus longue jamais réalisée par l'Aqmi. “Je me suis déplacé pas moins de 10 fois dans les camps de l'Aqmi, c'était difficile et long”, raconte Mustapha dans un entretien accordé au journal espagnol ABC. Il ajoute qu'il a négocié avec Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El-Abbas (Laâouer), ex-“émir” du Sahara qui s'est replié depuis l'année 2004 au nord du Mali avec sa femme, issue de la tribu de Barabicha (arabe du Mali) où il a tissé des relations avec des responsables maliens, selon ses proches. “J'ai dit à Belmokhtar que l'Espagne désapprouve le raid français” Il a également révélé qu'il s'était déplacé dans les camps de Belmokhtar une semaine seulement après l'enlèvement. “Je leur ai ramené des médicaments pour l'otage Albert Vialta, qui était atteint de trois balles au pied lors de son enlèvement en Mauritanie” et l'a convaincu de libérer l'otage femme sans pour autant fournir le moindre détail. Le médiateur a précisé que l'attaque franco-mauritanienne menée contre l'Aqmi dans le territoire malien, le 22 juillet passé, pour tenter de libérer l'otage français Michel Germaneau – qui s'est soldée par un échec – a été “le moment le plus difficile” de sa mission, d'autant que les ravisseurs étaient sur le point d'exécuter les deux otages espagnols. “Nous les avons considérés presque pour mort. Nous croyions que c'était une cause perdue”, a-t-il ajouté. Mustapha Chafi affirme qu'il s'est alors efforcé de convaincre Belmokhtar qu'il fallait “dissocier les cas français et espagnols”. “Je leur ai expliqué que non seulement l'Espagne n'a pas participé à l'opération militaire, mais aussi qu'elle la désapprouvait”, a-t-il confirmé. Il a tenu à saluer “l'effort considérable” du gouvernement espagnol et leur service de renseignement pour leur “sagesse et compréhension”, comme il n'a pas manqué de critiquer le gouvernement mauritanien qui a posé, selon lui, des obstacles. Ce qui a tardé la libération des otages avant qu'il décide enfin d'extrader le mercenaire malien Omar le Sahraoui qui était présent lors de la libération des otages. Le gouvernement mauritanien a vainement tenté de convaincre le gouvernement espagnol que “les enlèvements de l'Aqmi dans la région du Sahel sont planifiés par Mustapha Chafi qui l'a accusé en échange d'une part de la rançon”. Ce que nie totalement ce dernier, tout en affirmant qu'il était médiateur pour la libération des otages seulement. “je n'ai rien à voir avec la rançon”, a-t-il dit. D'ailleurs, il explique dans cet entretien que “le plus important pour libérer les otages était d'éviter la publication des photos et les vidéos montrant les otages. Ces vidéos étaient en notre possession, nous les médiateurs, pour les remettre au gouvernement espagnol dans le cadre des négociations, preuve de leur vie, la publication porte atteinte au gouvernement espagnol et au peuple”. Pour ce médiateur, les négociations “difficiles” devaient se dérouler en sagesse loin de la médiatisation et la pression de l'opinion publique. Même cas après leur libération où le mot d'ordre a été donné pour ne pas divulguer la nouvelle jusqu'à ce que les otages soient en sécurité, d'autant que ces derniers ont dû parcourir des centaines de kilomètres à travers le désert jusqu'à la frontière sud de Burkina Faso. Un hélicoptère burkinabé les a récupérés dans la région de Menaka, pour les transporter à Gorom puis à Ouagadougou, de crainte qu'ils ne tombent entre les mains d'autres mercenaires attirés par l'odeur de la rançon. “Les orientations” du médiateur Chafi avoue que les revendications de l'Aqmi étaient exagérées. “Belmokhtar avait exigé auparavant la libération de Ould Essamen et 14 autres détenus en Mauritanie”, a-t-il déclaré mais “grâce” à la médiation, Belmokhtar s'est contenté de récupérer le mercenaire en plus d'une rançon estimée à 7 millions d'euros, selon la presse espagnole. Pour rappel, Khedim Ould Essammen est l'“émir” de l'Aqmi de Chenkiti (Mauritanie) et serait le commanditaire de l'assassinat de 4 touristes français à Alleg en Mauritanie en 2007. Mustapha Chafi ou le Bob Dinar Africain… principal négociateur de Belmokhtar Des sources proches des négociations précisent que c'est Belmokhtar, et non le gouvernement espagnol, qui avait choisi Chafi comme médiateur au vu de son “expérience”. Il avait notamment déjà négocié la libération de deux diplomates canadiens en 2009 en échange de 2 Mauritaniens détenus au Mali dont un spécialiste en explosifs, et l'otage français Pierre Camette en échange de 4 détenus au Mali. Il aurait des relations avec des hauts responsables au Mali et en Libye. Il est issu d'une des plus grandes tribus à l'est de la Mauritanie tout comme sa belle famille est des touareg. Il est le conseiller africain du président burkinabé, on le nomme “Bob dinar Africain”. Belmokhtar toujours actif ? Alors que l'on croyait Mokhtar Belmokhtar, en trêve, dans le Sahara, et qu'on évoquait des négociations en vue de son éventuelle reddition, l'homme refait surface par ces enlèvements. Mokhtar Belmokhtar s'était retiré du GSPC après l'affiliation de ce groupe à Al-Qaïda. Droudkel l'a remplacé par Yahia Djouadi, “émir” du Sahara et du Sahel. L'affaire des otages espagnols l'a fait sortir de l'ombre et a dévoilé sa stratégie dans le Sahel, alors que les enlèvements des étrangers sont attribués à son rival Abou Zeïd qui détenait l'otage français Germaneau et qui avait exécuté, en 2009, le Britannique Edwin Dyer. Mais voilà que l'Aqmi revendique ses kidnappings. Y a-t-il alors une nouvelle alliance entre les deux ex-“rivaux” ? Belmokhtar s'est replié au nord du Mali depuis 2004, selon une source proche de sa mère, qui lui rend souvent visite dans ce pays. Il a installé des camps d'entraînements selon les aveux des terroristes arrêtés en Mauritanie qui ont confirmé qu'ils ont été entraînés dans ces camps qui existent depuis des années. Mustapha Chafi le réaffirme aussi alors que Bamako n'a jamais mené des opérations militaires ciblant ces bases.