La Mauritanie entre l'Aqmi et les payeurs de rançon La Mauritanie fait face à une série d'actions terroristes menées sur son territoire par les éléments de l'Aqmi. L'organisation terroriste, qui a revendiqué l'enlèvement des trois humanitaires espagnols et des deux touristes italiens, en a fait son terrain de manœuvre. La confirmation du rôle de l'Aqmi dans les derniers enlèvements survenus sur le territoire mauritanien est venue après la publication des photos du couple de touristes italiens enlevés le 18 décembre en Mauritanie par les éléments de l'Aqmi sur un site internet. L'Aqmi a publié un communiqué, le 30 décembre dernier, accompagné de trois photos : deux photos des pièces d'identité des otages et l'une montrant le couple. Sur cette dernière photo, on voit Sergio Cicala, retraité de 65 ans, et sa femme Philomène Kabouree, Italienne d'origine burkinabé âgée de 39 ans, agenouillés et entourés de cinq hommes armés. Les deux Italiens avaient été enlevés sur une route du sud-est de la Mauritanie alors qu'ils se rendaient au Burkina Faso à bord d'un minibus immatriculé en Italie. Ils sont actuellement détenus dans une zone désertique au nord du Mali. L'organisation terroriste, qui exige une rançon contre la libération de ses otages, menace de les exécuter au cas où sa demande n'est pas prise en compte. Le ministre des Affaires étrangères Franco Frattini a déclaré à ce sujet que l'Italie n'a «aucun contact direct avec un émissaire» d'Aqmi mais les observateurs avertis savent que le paiement des rançons est devenu monnaie courante chez la plupart des gouvernements occidentaux qui ont recours à cette méthode pour libérer leurs ressortissants et s'éviter les foudres de leur opinion publique. Cette façon d'agir, en contradiction avec les conventions internationales, est dénoncée par plusieurs pays en butte au terrorisme car elle encourage la répétition des actes terroristes, notamment dans les pays où sévit l'Aqmi. Une rançon et des interrogations De fait, l'organisation criminelle vient de réclamer sept millions de dollars et la libération de plusieurs de ses membres détenus en Mauritanie contre la libération des trois volontaires humanitaires espagnols qu'elle a enlevés le 29 novembre en territoire mauritanien et qu'elle détient depuis au nord du Mali. Le journal espagnol El Mundo, qui rapporte l'information, indique également que l'otage Albert Vilalta, 35 ans, blessé par balle à une jambe lors de son enlèvement, «est bien soigné» et que son état «évolue positivement». Selon El Mundo, le gouvernement espagnol est informé des exigences des ravisseurs et le président du Mali, Amadou Toumani Touré, joue «un rôle fondamental dans les négociations». Le président malien aurait ainsi dépêché au nord du Mali, où seraient retenus les otages dans une région désertique frontalière avec l'Algérie, son consul en Arabie saoudite, Iyad Ag Gali, un ancien rebelle touareg. Ce dernier serait en contact avec un chef tribal du nord du Mali pour négocier la libération des trois otages espagnols, mais aussi celles de l'otage français, Pierre Camatte, capturé le 26 novembre, et de l'Italien Sergio Cicala et son épouse Philomène Kabouree, capturés le 18 décembre par Aqmi. Entre la Mauritanie et le Mali Face à la menace terroriste grandissante, la Mauritanie n'a d'autres solutions que de mobiliser ses services de sécurité et, dans le même temps, durcir sa législation qui autorise depuis peu les écoutes téléphoniques des suspects ainsi que la fouille de leur domicile. En plus de ces mesures perçues comme impopulaires par son opinion publique, Nouakchott vient de mettre en place une instance judiciaire spécialement chargée des questions de terrorisme qui siégera au tribunal de la capitale. Cette décision a été prise par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) au cours d'une réunion tenue mercredi sous la présidence du chef de l'Etat, Mohamed Ould Abdel Aziz. Relativement stable malgré la succession de coups d'Etat qu'elle a connus depuis son accession à l'indépendance, la Mauritanie est demeurée longtemps un pays stable et relativement sûr pour les étrangers qui y vivent ainsi que les nombreux touristes qui la visitent. Mais, depuis les années 1990, la donne a changé, des actes terroristes d'une extrême gravité s'y sont produits, tant à Nouakchott que sur les principales voies de communication terrestres. Attaques de convois et de cantonnement militaires mauritaniens, mais aussi enlèvement de résidents étrangers, principalement des Européens, se sont succédé tout au long de la décennie. Fin 2007, quatre Français sont assassinés froidement à Aleg (250 km à l'est de Nouakchott). En juin dernier, c'est un ressortissant américain qui est abattu en plein Nouakchott. Les auteurs de ces attaques ne sont autres que les éléments de l'ex-GSPC, Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). L'organisation terroriste en a fait une base d'opérations pour la facilité de mouvement que lui offrent les immensités désertiques comprises entre ce pays et le Mali. Et aucune force ne peut l'en déloger tant qu'il y aura des otages occidentaux… et des gouvernements prêts à racheter la libération de leurs ressortissants.