Les yeux fixés sur l'élection présidentielle de novembre 2004, le président américain George W. Bush s'est résolu à demander l'aide des Nations unies en Irak et s'apprête à expliquer ce soir, dans un discours à la Nation les motifs de ce revirement. Face à la nécessité de trouver les fonds et les troupes nécessaires pour la reconstruction et la stabilisation de ce pays, le président américain a chargé son secrétaire d'Etat Colin Powell de faire voter par l'ONU une nouvelle résolution donnant à l'organisation multilatérale un plus grand rôle. Ce sont les appels à faire rentrer au pays les quelque 140.000 soldats américains déployés en Irak et les pressions sur le budget des Etats-Unis, dont le déficit devrait dépasser 400 milliards de dollars cette année, qui ont contraint l'Administration Bush à se tourner vers l'ONU pour tenter d'obtenir la participation militaire et financière d'autres pays. Pour un président américain qui avait affiché son peu de considération pour les Nations unies dans les mois précédant la guerre contre l'Irak, le changement de cap est marqué. "Je ne pense pas que cela sera le sujet dominant de la campagne électorale”, estime toutefois Stephen Hess, professeur à la Brookings Institution à Washington. Les candidats à l'investiture démocrate n'ont certes pas ménagé leurs critiques contre la politique irakienne de l'Administration Bush lors de leur premier débat public jeudi. La Maison-Blanche refuse la qualification de "revirement" pour décrire son soudain regain d'intérêt pour l'ONU. Son porte-parole Scott McClellan a réaffirmé vendredi que les Etats-Unis ont "toujours souhaité la participation de la communauté internationale" en Irak. Il s'est également efforcé de minimiser les réticences affichées par Paris et Berlin face au projet de résolution soumis par Washington, soutenant que "les discussions ont été positives". En se tournant vers l'ONU, George W. Bush suit aussi les conseils de membres écoutés de son propre parti. John McCain, sénateur de l'Arizona et candidat malheureux aux primaires républicaines pour la précédente élection présidentielle de novembre 2000, a déclaré mercredi que le changement de cap de la Maison-Blanche était "une reconnaissance tacite que (les Etats-Unis n'ont) pas assez de troupes pour faire le travail. Nous avons besoin de troupes supplémentaires mais surtout de gens dans les secteurs économiques, du maintien de l'ordre et des affaires civiles". "Si nous ne retournons pas la situation dans les prochains mois, nous ferons face à un grave problème à long terme", a-t-il ajouté au retour d'une visite en Irak. Mais c'est l'économie américaine qui apparaît comme le principal souci du président Bush. Le taux de chômage a un peu baissé en août à 6,1% mais les suppressions d'emplois continuent. Il multiplie les déplacements dans le pays pour vanter les effets bénéfiques de son plan économique, constitué essentiellement de réductions d'impôts, sur la reprise de la croissance. Mais ce programme a été qualifié jeudi "d'échec misérable" par Dick Gephardt, l'un des candidats démocrates. La principale initiative de M. Bush depuis son retour de vacances fin août a été l'annonce de la nomination prochaine d'un secrétaire au Commerce adjoint pour le secteur manufacturier, le plus touché par les pertes d'emplois. "Cela montre vraiment qu'en terme de propositions, il fait les fonds de tiroirs", estime Stephen Hess.