La 59e session de l'Assemblée générale des Nations unies, dont les travaux se sont ouverts hier à New York, a accentué le désaccord entre les Etats-Unis et l'ONU concernant la guerre en Irak. Le Président américain, George W. Bush, a saisi l'occasion offerte par la tribune des Nations unies pour répondre aux critiques de Kofi Annan. Le secrétaire général des Nations unies a, rappelle-t-on, qualifié la semaine dernière la guerre en Irak d'« illégale », car contraire à la charte des Nations unies. Dans un discours prononcé devant plus de 90 chefs d'Etat, George W. Bush a défendu la guerre contre l'Irak en affirmant que la coalition menée par les Américains avait fait respecter « les justes exigences du monde » envers Baghdad. Convaincu d'avoir pris la bonne décision en attaquant Baghdad en mars 2003 sans l'aval de l'Onu, M. Bush a ajouté que les Nations unies devaient désormais « faire plus » pour construire un Irak « démocratique et libre ». Occultant l'épisode des armes de destruction massive (ADM) dont l'Irak était injustement accusé de posséder, le Président américain a encore justifié la guerre contre l'Irak en mettant en évidence le refus de l'ancien Président irakien d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité qu'il avait acceptées en 1991. « Le Conseil de sécurité a promis de graves conséquences pour son attitude de défi, et les engagements que nous prenons doivent avoir une signification. Une coalition de pays a donc fait respecter les justes exigences du monde », a-t-il déclaré. Déterminé à poursuivre la campagne d'Irak, George W. Bush a souligné également que la bonne réponse à apporter aux événements en Irak n'était pas de quitter ce pays, mais d'y triompher. Le reproche du Président américain sortant s'adressait notamment à l'Espagne, qui a décidé, après l'élection de Zapatero, de retirer ses troupes de Baghdad. Il s'est montré persuadé par ailleurs que l'Irak et l'Afghanistan étaient aujourd'hui sur « la voie de la démocratie et de la liberté ». Toutefois, M. Bush a averti que les attaques terroristes allaient augmenter. Au-delà de la problématique irakienne, l'intervention du Président américain a contrasté dans le fond et dans la forme avec la définition des missions de l'ONU donnée par le secrétaire général des Nations unies. Dans son discours, Kofi Annan a plaidé, en effet, en faveur du multilatéralisme et d'un monde où la force découlerait de la loi et non l'inverse. « En ces temps difficiles, les Nations unies sont l'indispensable maison commune de la famille humaine toute entière », a-t-il déclaré. Face à ces temps difficiles, le secrétaire général de l'ONU, loin de se déjuger par rapport à la crise irakienne, a souligné l'idée que « plus que jamais le monde a besoin d'un mécanisme efficace par lequel il puisse chercher des solutions communes à des problèmes communs ». C'est pour cette raison, a-t-il dit, que cette organisation a été créée. M. Annan a insisté également pour dire qu'il n'y a pas d'alternative à l'ONU. Tout comme il a prévenu contre la tentation de mettre au pas l'ONU. Une manière pour lui de stigmatiser la décision américaine de contourner l'Onu pour attaquer l'Irak et d'attirer l'attention sur les dangers de la politique unilatérale menée par les Etats-Unis. Lors de son intervention, M. Annan a particulièrement insisté sur la responsabilité des générations dans le renforcement de « la prééminence du droit pour tous, qui seule peut garantir la liberté pour tous ». Une certitude : le discours de M. Annan sur le multilatéralisme n'a eu aucun effet sur George W. Bush. Dans le prolongement de son intervention sur l'Irak, M. Bush a exhorté les dirigeants du monde entier à rompre leurs contacts avec le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat. Il a conditionné, par ailleurs, l'objectif d'un Etat palestinien indépendant à de profondes réformes internes, visant ainsi également, sans ambiguïté, les partisans de M. Arafat.