En affirmant que l'islam devait devenir “la religion de toute l'Europe”, et en demandant 5 milliards d'euros par an à l'UE pour stopper l'immigration clandestine et éviter que “l'Europe ne devienne noire”, le leader libyen Mouammar Kadhafi a suscité des remous en Italie et fait réagir un responsable du Vatican, qui a assimilé cet appel à un manque de respect envers le pape. Si Sylvio Berlusconi a fait la sourde oreille aux déclarations de son hôte libyen sur la place de l'islam en Europe, un responsable d'une congrégation vaticane a estimé hier que l'appel à la conversion de l'Europe à l'islam lancé à Rome, cœur de la papauté, par le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, est “une provocation” et un “manque de respect envers le pape et l'Italie, pays majoritairement catholique”. Dans un entretien accordé au journal Repubblica, le secrétaire de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, Robert Sarah, a affirmé que “parler d'un continent européen converti en bloc à l'islam n'a aucun sens parce que ce sont les personnes qui décident seules et en toute conscience d'être chrétiens, musulmans ou de suivre d'autres religions”. Il a ajouté que le “vrai danger pour les Européens, c'est le relativisme, le manque d'attention à la foi, la faiblesse de la religion, l'indifférence au sacré”, tout en les qualifiant “de véritables ennemis pour notre foi qui pourraient créer un terrain fertile pour l'éventuelle pénétration future de l'islam dans toute l'Europe”. Mgr Sarah, ancien archevêque de Conakry (Guinée), a également déploré un manque de “réciprocité entre pays musulmans et Occident” et des problèmes quant à “la liberté religieuse dans les zones musulmanes”. Il a, toutefois, souligné que “dans beaucoup de pays comme le Mali, la Guinée et en Afrique du Nord, les rapports entre chrétiens et fidèles d'autres religions sont excellents”. “C'est pour cela que le pape (Benoît XVI) continue de façon infatigable à promouvoir le dialogue interreligieux”, a conclu le secrétaire de la congrégation en charge des missions catholiques à l'étranger. Mgr Sarah a affirmé ne pas être spécialement “inquiet des propos de Kadhafi” qui ne sont, selon lui, qu'une “provocation manquant de sérieux et gratuite”. Pour rappel, en rencontrant dimanche 500 jeunes femmes sélectionnées par une agence d'hôtesses puis, lundi, en recevant 200 autres, Kadhafi avait vanté les mérites de la religion musulmane, estimant que l'islam devait “devenir la religion de toute l'Europe”. “L'Europe doit se convertir à l'islam”, a dit le colonel Kadhafi dimanche avant de récidiver lundi en affirmant que “les femmes sont plus respectées en Libye qu'en Occident”, et invitant les jeunes participantes à se marier à des Libyens. Ni Berlusconi ni Kadhafi n'ont commenté la polémique en cours, en inaugurant lundi après-midi une exposition photo retraçant les relations tourmentées entre la Libye et l'ancienne puissance coloniale italienne. Et le soir pendant un dîner en présence de 800 invités dont la plupart des grands patrons italiens (Eni, Enel, Impregilo, Unicredit), ils ont préféré insister sur l'importance du traité d'amitié bilatéral pour lutter contre l'immigration clandestine et pour encourager les investissements italiens en Libye et réciproquement. En soirée, Kadhafi a même poussé la provocation jusqu'à réclamer 5 milliards d'euros à l'UE pour stopper l'immigration clandestine aux frontières de la Libye, afin d'éviter que l'Europe “ne devienne noire”. Kadhafi a invité les Libyens ayant des ressources à investir en Italie et à resserrer des liens économiques déjà étroits. Berlusconi s'est réjoui que 21 sociétés italiennes se soient portées candidates pour la construction d'une autoroute de 1 700 km sur le littoral libyen dans le cadre du traité d'amitié prévoyant 5 milliards de dollars de compensation pour la colonisation italienne.