L'immigration provoque des remous entre l'Italie et la communauté internationale. Mais Berlusconi n'a pas l'air de s'en inquiéter dès lors qu'il a remporté le vote de confiance sur son projet de loi qui instaure un tour de vis supplémentaire dans la chasse à l'immigration indésirable. Le texte prévoit que l'entrée et le séjour illégaux sur le territoire italien deviennent un délit et soient passibles d'une amende de 5 000 à 10 000 euros ! Et la détention des immigrés clandestins dans les centres de non-droit d'identification et d'expulsion est allongée, tandis que les personnes louant un logement aux clandestins ou les hébergeant sont passibles de peines, jusqu'à trois ans, de prison. Le vote de cette loi, qui doit encore être approuvée au Sénat pour entrer en vigueur, intervient alors que l'Italie est critiquée en Europe pour avoir refoulé à deux reprises ces derniers jours des embarcations chargées d'un demi-millier de clandestins vers la Libye. Sans même offrir la possibilité aux candidats à l'entrée sur son territoire de déposer une demande d'asile. Ces mesures inhumaines sont justifiées par Rome par des vagues de harragas sans précédent. Selon le ministère de l'Intérieur, l'Italie a vu arriver 36 900 migrants par la mer en 2008, en quasi-totalité en provenance des côtes libyennes, un chiffre présenté en hausse de 75% par rapport à 2007. “C'est une violation de la loi européenne”, a prévenu le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés. Ron Redmond a envoyé une lettre à Rome pour lui exprimer la grave préoccupation du HCR et demander aux autorités italiennes d'accepter sur leur territoire les migrants se trouvant être des candidats à l'asile, une demande explicitement appuyée par le SG en personne de l'ONU, Ban Ki-moon. L'inquiétude des Nations unies est également alimentée par le fait que la Libye, qui a accepté de recevoir les expulsés d'Italie, n'ayant pas signé la Convention de 1951 stipulant les droits des réfugiés, ne possède pas de loi sur l'asile ni de système de protection des réfugiés. L'UE s'est aussi mise da la partie. Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, a lui haussé le ton contre l'Italie qui remet en cause le droit de demander l'asile et qui organise la chasse aux illégaux. La guerre de l'Italie contre l'immigration indésirable a enregistré un tournant le 7 mai dernier avec, pour la première fois, l'acceptation par Tripoli de reprendre des clandestins recueillis par la marine italienne. Des centaines de clandestins ont été secourus par des vedettes italiennes, mais ont été débarqués non à Lampedusa ou en Sicile, mais en Libye, d'où ils étaient partis pour gagner l'Europe. Jamais auparavant Tripoli n'avait accepté le retour de migrants partis de ses côtes. Mais depuis la visite de Berlusconi en Libye, Kadhafi, en acceptant des compensations pour la colonisation italienne, s'était engagé à reprendre les immigrants qui s'échappent de son pays pour tenter leur chance en Italie et même à leur faire la chasse, y compris dans les eaux internationales. L'Italie vient de fournir trois bateaux de patrouille à la Libye, dans le cadre de l'accord conjoint destiné à endiguer l'afflux de migrants clandestins vers les côtes italiennes. Kadhafi va donc faire le gendarme de l'Europe. Trois autres embarcations lui seront livrées dans les prochaines semaines. Le leader libyen complète ainsi le dramatique tableau de centaines de candidats qui périssent chaque année en tentant de quitter l'Afrique sur des embarcations de fortune. Le pire est attendu pour les immigrés en Italie, car il s'agit de tout un paquet de sécurité inspiré par le ministre de l'Intérieur Roberto Maroni, du parti xénophobe de la Ligue du Nord. Il y a déjà le fichage des sans-abri, l'instauration de “rondes citoyennes” dans certains quartiers des grandes villes et la dénonciation des sans-papiers par les médecins. Et demain ? La Ligue du Nord a proposé la semaine dernière à Milan de réserver des places aux Italiens de souche dans les transports en commun ! L'Italie va devenir xénophobe. Le Vatican est inquiet par les dérives du gouvernement italien. D. Bouatta