La nomination du ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, comme chef de file de la conspiration contre le FLN a fait réagir la classe politique. Tous estiment, avec quelques nuances près, que c'est une dérive de la pratique politique. Pour le RCD, l'implication du ministre des Affaires étrangères dans l'entreprise de déstabilisation du FLN pourrait être interprétée comme un appel du pied à la mouvance islamiste. Fait sans doute inédit dans les annales de la diplomatie, un ministre en exercice chapeaute un mouvement sans existence légale, dans l'espoir de jeter le grappin sur un parti dont les structures ont été élues par un congrès souverain. Voilà la nouvelle “mission” que s'assigne désormais le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, en présidant la conférence du mouvement de redressement du FLN, tenue, le week-end dernier, à Djelfa. Ce qui prend les aspects d'une véritable “dérive” dans la pratique politique n'a pas manqué de susciter la désapprobation de la classe politique, même si de nombreuses formations, à l'image du Parti des travailleurs (PT), du Mouvement de la société pour la paix (MSP) et du Rassemblement national démocratique (RND), ont préféré s'abstenir de la commenter, au motif qu'elle relève d'“un problème interne” au parti. Pour le RCD, ce à quoi l'on assiste aujourd'hui est “un véritable scandale”. “Qu'un ministre des Affaires étrangères soit désigné comme président d'une commission chargée de fomenter des coups d'Etat contre un parti légal renseigne sur la véritable nature de l'équipe au pouvoir. Jamais pareille régression n'a touché le pays”, estime Hamid Lounaouci. “Jamais nous n'avons vu un responsable de la diplomatie s'immiscer dans les turbulences internes d'un parti. Même dans la phase de la préguerre en Irak, Tarek Aziz était le ministre le moins impliqué”, fait-il observer. À ses yeux, l'implication du ministre des Affaires étrangères dans l'entreprise de déstabilisation de l'actuelle direction du FLN pourrait être interprétée comme un appel du pied à la mouvance islamiste. “Est-ce qu'il ne s'agit pas d'un clin d'œil aux islamistes ?”, s'interroge-t-il. Il rappelle, dans le même contexte, que le portefeuille des Affaires étrangères comprend des obligations de “réserves” plus importantes que les autres départements ministériels. Par la voix de son chargé de la communication, le Front des forces socialistes (FFS) estime que “l'on assiste à l'une des dérives les plus dangereuses en matière de pratique politique”. “Elle ouvre les portes à toutes sortes d'aventures”, soutient Karim Tabbou. Selon lui, cette évolution n'étonne pas outre mesure le parti. “Ce qui se passe actuellement ne nous étonne pas. La logique des coups d'Etat et des putschs se pratique à ciel ouvert dans des institutions censées organiser une compétition politique saine que le pouvoir a vanté depuis des mois et qui devait consacrer l'Etat de droit et les libertés démocratiques. Or, dans la réalité, il y a comme une dérive préjudiciable à la nation par le recours à la violence verbale dans les discours comme dans la pratique courante des institutions”. Pour le représentant de la formation de Hocine Aït Ahmed, “cela démontre, d'une manière très claire, la privatisation de ces institutions par une engeance de politicards et de mafieux du sérail, qui ont transformé les institutions en un champ de toutes sortes de manœuvres claniques et mafieuses (…)”. Parti ciblé par ce mouvement, le FLN n'en pense pas moins que l'entreprise est vouée à l'échec. Dans un entretien accordé samedi à Liberté, Abderrazak Dahdouh, membre du bureau politique du parti, a estimé que “tout ce qui se passe en dehors de la légalité et en dehors des statuts et du règlement intérieur du FLN est une activité externe au parti”. “C'est aux institutions de l'Etat de jouer leur rôle normalement et de ne pas être à la merci de certaines injonctions qui proviennent de certains cercles”, a-t-il dit. Le RND, le PT ainsi que le MSP se sont refusé à commenter la nouvelle “mission” de Belkhadem. K. K.