L'ère Rabah Saâdane a pris fin dans les circonstances que tout le monde connaît et sur lesquelles il serait inintéressant de revenir dans la mesure où, en football comme dans la vie, il est beaucoup plus judicieux et pratique de se tourner promptement vers l'avenir que de ressasser les épisodes passés. D'autant plus que dans le cas précis de notre sélection nationale, l'imminence du déjà décisif second rendez-vous de ces éliminatoires en République centrafricaine et la nécessité absolue de remettre de l'ordre dans la maison Algérie, contraignent le futur sélectionneur à agir vite. Et bien ! Sans pour autant verser dans l'alarmisme, le successeur attendu de Rabah Saâdane aura véritablement devant lui un grand chantier à ciel ouvert qu'il aura à gérer en parallèle avec l'urgence des résultats sur le terrain, seuls garants de la pérennité de la désormais internationale réputation des Verts, condamnés à réserver leur place pour la CAN-2012. Tout en veillant à tourner la page pour, justement, mieux préparer cet avenir afin que l'Algérie reparte vite sur des bases saines et éviter de subir une nouvelle traversée du désert de vingt-quatre ans, l'urgence des urgences pour la fédération tutelle est donc de nommer un nouvel entraîneur national qui puisse redonner une âme à cette équipe. L'un des plus grands défis qui attendent, d'ailleurs, le futur sélectionneur national, concerne le rétablissement de l'autorité au sein de cette équipe, au sein de laquelle ceux qu'on appelle communément les “cadres”, font la pluie et le beau temps au point de s'offrir, même, le luxe de donner un avis sur le maintien ou non de… Saâdane. En l'absence d'une vraie autorité au sein de l'équipe, en raison de la passivité d'un Saâdane qui a fini par perdre carrément le contrôle du groupe, l'image du staff technique a été, à tout le moins, détériorée et dégradée. Et ce n'est certainement pas les exemples qui manquent, tellement ils sont légion. Rafik Saïfi qui impose son diktat, en pleine Coupe du monde, contre les USA et force Saâdane à changer son plan, Fawzi Chaouchi qui remet en cause la titularisation de Raïs M'bolhi la veille du choc face à l'Angleterre ou encore, tout récemment, Anthar Yahia qui “prend” sa place dans l'axe de la défense face à la Serbie, en amical, alors qu'il venait de convoler en justes noces 48 heures à peine avant, tout comme Hassen Yebda (qui venait juste de trouver un club) et M'bolhi (qui a passé le stage dans les avions entre Alger et Sofia), “forcément” titulaires face à la Tanzanie alors que la norme footballistique mondiale exigerait qu'ils se retrouvent, tout au mieux, remplaçants sur le banc de touche. Poigne-Jeu-Séduction : le triptyque recommandé Cela rappelle bien quelques vérités tues, soulignées sous le couvert de l'anonymat par un des joueurs qui révélait que “certains cadres décident même de la composante de l'équipe le jour du match”. “Ils ont une telle influence sur Saâdane qu'il est obligé de les écouter, et ce n'est pas pour rien que ces mêmes joueurs exigeaient le maintien de Saâdane, tout comme ils l'avaient fait, du reste, fait aussi au moment du départ de l'ancien coach national Jean-Michel Cavalli”, précisait également la même source au sortir du Mondial. Pour le bien de la sélection, donc, le successeur de Saâdane doit faire table rase des “largesses” de son prédécesseur en mettant tous les joueurs sur le même pied d'égalité à même de gagner (ou forcer, c'est selon), leur respect, quitte même à en sacrifier certains en guise d'exemple à méditer. La seconde et non moins nécessaire mission qui attend le futur patron des Verts, est de réconcilier l'EN avec son jeu à l'algérienne, et ce, à la faveur d'un véritable projet de jeu. Aux antipodes de la pratique d'un jeu naturellement porté vers l'offensive, comme la sélection a de tout temps produit ou tenté d'en produire, l'EN version Saâdane s'est vu enfermée dans le carcan d'un système ultra-défensif qui se résumait en un seul mot : verrouillage. L'assise défensive qu'a réussie Saâdane à mettre en place a, certes, été source de bon nombre de satisfactions, mais n'a toutefois pas été utilisée comme base arrière d'un jeu tourné vers l'avant. Surtout que cette EN mondialiste possède en les Meghni, Yebda, Boudebbouz, Ziani, Matmour, Ghezzal, Ziaya, Djebbour et autres Lacen et Belhadj des atouts de haut niveau en ce sens. Des talents qui n'ont rien à envier aux Ghanéens quart de finalistes de la World Cup 2010 que sont les Kingson, Paintsil, Mensah, Sarpei, Annan, Inkoom, Asamoah, Boateng et autres Ayew, sauf que la grande différence est que le coach serbe, Milovan Rajevac, a su exploiter leur potentiel offensif pour mettre en place un collectif tourné résolument vers l'attaque. Entre le marteau de la rue et l'enclume des politiques ! Celui qui s'assiéra sur le banc des Verts en lieu et place du démissionnaire Saâdane aura, de fait, à faire preuve d'un réel sens du management de haut niveau, surtout que cette EN n'est plus l'apanage de son seul public, avec lequel il doit impérativement la réconcilier, mais aussi et surtout du monde politique qui s'est habitué, en particulier lors de la campagne victorieuse du Mondial 2010, à venir y mettre son grain de sel. Le maintien de Saâdane contre le gré de la FAF en raison du soutien de poids d'influents personnages de la haute sphère politico-financière nationale en était l'exemple le plus édifiant. Sentant le vent de la révolte populaire, ceux qui le soutenaient dernièrement ont d'ailleurs vite fait de s'en démarquer, comme tout jeu de yo-yo si propre au raisonnement politique typiquement algérien. Mais n'ignorant aucunement que l'improductive scène nationale ne peut proposer l'alter ego d'un Saâdane pour recadrer les Verts, les politiques ne semblent avoir désormais d'autre alternative, pour conforter leurs places, que de faire appel à une grosse pointure internationale, comme le font depuis assez longtemps nos voisins tunisiens et marocains, avec le succès que l'on sait. Surtout qu'en matière de moyens financiers et d'engagement en faveur de l'EN, jamais peut-être l'Etat algérien ne s'est montré aussi “choyant”. L'historique pont aérien entre Alger et Khartoum pour permettre à une douzaine de milliers de supporters de garantir l'opération Coupe du monde, les colossaux budgets dégagés pour permettre aux coéquipiers de Ziani de bénéficier de primes faramineuses et de stages de préparation dans les plus luxueuses stations habituellement réservées au must européen en la matière en sont des preuves toutes récentes. Que ces fonds servent désormais à garantir aux Verts un encadrement technique à la hauteur de leur nouvelle dimension et de leurs ambitions futures n'en sera, contexte oblige, qu'un investissement doublement intéressant. Et pour le football national qui gagnera en maturité internationale et pour ceux qui en dictent la politique pour contrôler encore mieux la rue algérienne.