Vivement critiquée par l'ONU et embarrassée par un document officiel qui nourrit l'accusation de stigmatisation des Roms en tant que minorité, la France s'est de nouveau retrouvée sur la défensive aussi bien à Genève, dans le cadre onusien, qu'à Bruxelles, dans le cadre européen. La haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a qualifié de “préoccupante” la politique du gouvernement français envers les Roms, qui “ne peut qu'exacerber (leur) stigmatisation et l'extrême pauvreté dans laquelle ils vivent”. Cette critique de l'ONU, qui n'est pas la première à ce sujet, intervient alors qu'à Paris et à Bruxelles le gouvernement français doit faire face à de vives critiques dues à l'existence révélée par la presse d'une circulaire administrative visant expressément l'évacuation de campements de Roms. Ce document, daté du 5 août, rappelle aux préfets les objectifs fixés par le président Sarkozy, à savoir que “300 campements ou implantations illicites devront être évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms”. Emanant du ministère de l'Intérieur, la circulaire met le gouvernement dans l'embarras du fait qu'elle officialise le concept de minorité absent dans la loi française. Comme pour s'en laver les mains, quitte à écorcher le principe de la solidarité gouvernementale, le ministre de l'Immigration, Eric Besson, a déclaré n'avoir pas eu connaissance de cette circulaire et qu'en tout état de cause “le concept de minorité ethnique est un concept qui n'existe pas” en France. Eric Besson devait être passablement remonté, lui qui avait déclaré peu auparavant que la France n'avait pris “aucune mesure spécifique à l'encontre des Roms”. Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a été contraint de jouer au pompier en faisant savoir qu'il venait de signer une autre circulaire “pour lever tout malentendu sur une éventuelle stigmatisation” des Roms. Cela ne suffit visiblement pas à lever les accusations qui pèsent sur le gouvernement français puisqu'à Bruxelles, le groupe des libéraux au Parlement européen par exemple, a estimé que “la France a mené sciemment une politique discriminatoire”. En marge d'une réunion avec ses homologues dans la capitale belge, le secrétaire d'Etat aux affaires européennes, Pierre Lellouche, a répondu aux attaques avec une violence inhabituelle à ce niveau de représentation. “On est en train de dresser le procès européen de la France pour la façon dont une circulaire est rédigée”, s'est-il emporté avant d'ajouter : “La France est un grand pays souverain. (…) Je n'ai pas l'intention d'être traité, au nom de la France, comme un petit garçon.” Hier encore, la Commission européenne a annoncé son intention de déclencher une procédure d'infraction en justice contre la France pour violation du droit européen dans l'affaire des renvois controversés de Roms bulgares et roumains chez eux. “ça suffit !”, a déclaré à l'adresse de la France lors d'une conférence de presse la commissaire à la Justice et aux Droits des citoyens, Viviane Reding, estimant que l'attitude du gouvernement français, qui a dissimulé l'existence d'une circulaire ciblant expressément les Roms pour les expulsions, “est une honte”. Elle a annoncé son intention de demander l'ouverture d'une procédure d'infraction à la législation de l'Union européenne contre Paris, pour transposition insuffisante d'une directive européenne sur la libre circulation de citoyens européens, et “application discriminatoire” de ce texte. “J'ai l'intention de proposer (cette initiative) au président de la Commission”, a-t-elle précisé, indiquant qu'une décision devrait être prise “dans un délai de deux semaines”. Cette procédure sera lancée devant la Cour européenne de justice de Luxembourg. Pour rappel, la semaine dernière, déjà, Pierre Lellouche s'en est pris au Parlement européen qui aurait perdu sa crédibilité, selon lui, après avoir voté une résolution appelant à l'arrêt des expulsions des Roms. La politique française envers les Roms, dont au moins un millier a été expulsé au cours de cet été, a valu une réprobation internationale au gouvernement. Des structures de l'ONU aux institutions de l'Union européenne, en passant par le Vatican et de nombreuses ONG, les critiques, les accusations et les condamnations ont fusé de partout. Cela ne semble pas pour autant faire reculer les dirigeants français, pas même le très “humanitaire” ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui est resté droit dans ses bottes lorsqu'il a été interrogé à ce sujet.