Le Parlement européen, par un vote de 337 voix pour et 245 voix contre, a adopté le 9 septembre une résolution demandant au gouvernement français de suspendre «immédiatement» le renvoi des Roms. Et de trois pour la politique sécuritaire pilotée par Nicolas Sarkozy. Trois claques en moins d'un mois! Après le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU et la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, c'est au tour du Parlement européen de rappeler à l'ordre la France en matière de stigmatisation des Roms en particulier et de l'immigration en général. Une campagne menée tambour battant contre le ministre de l'Immigration qui a été désavoué et sévèrement taclé par une majorité écrasante d'élus. Blessé, décrédibilisé, Paris proteste, se rebiffe et se révolte. «Je veux très clairement dire qu'il n'est pas question que la France suspende les reconduites dans les pays d'origine, qu'il s'agisse d'ailleurs de Roumains, de Bulgares ou de tout autre ressortissant», a aussitôt rétorqué Eric Besson qui se trouvait à Bucarest, la capitale roumaine, au moment où ce «verdict» qui constitue une «première» dans l'histoire de l'Union européenne, venait de tomber. La guerre est ouvertement déclarée et la résistance s'organise. «Le Parlement européen est sorti de ses prérogatives et nous n'avons bien évidemment pas à nous soumettre à un diktat politique», a poursuivi le ministre. La résolution adoptée par les députés européens a touché le gouvernement français dans son orgueil. Que dit le passage dénoncé par Eric Besson? «Le Parlement européen se déclare vivement préoccupé par les mesures prises par les autorités françaises ainsi que par les autorités d'autres Etats membres à l'encontre des Roms et des gens du voyage prévoyant leur expulsion; les prie instamment de suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms et demande à la Commission, au Conseil et aux Etats membres de formuler la même demande», indique dans son troisième point, le texte du document adopté jeudi dernier par l'unique organe parlementaire de l'Union européenne élu au suffrage universel. La politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy constitue en fait les prémices d'une campagne présidentielle prématurément lancée et qui sera très probablement chevillée aux thèmes de l'immigration et de la sécurité. Un amalgame autour duquel est cristallisé un réservoir de voix, constitué essentiellement des électeurs d'extrême droite, qui pourraient faire la différence en 2012. Sarkozy sait qu'il ne peut s'en passer s'il veut rempiler. Le virage a été amorcé à l'occasion du discours de Grenoble, prononcé par Nicolas Sarkozy, notamment en ce qui concerne son projet de déchéance de la nationalité française ciblant une certaine catégorie d'étrangers naturalisés alors qu'au même moment l'expulsion massive des Roms battait son plein. Ce climat malsain propice à la stigmatisation et la discrimination raciale est énergiquement critiqué par le rapport des élus européens. «Le Parlement européen s'inquiète vivement en particulier de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire qui a marqué le discours politique au cours des opérations de renvoi des Roms dans leur pays, ce qui donne de la crédibilité à des propos racistes et aux agissements de groupes d'extrême droite; rappelle dès lors les décideurs politiques à leurs responsabilités et rejette toute position consistant à établir un lien entre les minorités et l'immigration, d'une part, et la criminalité, d'autre part, et à créer des stéréotypes discriminatoires», peut-on lire dans le paragraphe 5 de leur résolution. Le 22 août, à l'occasion de la célébration de la prière de l'Angélus (Annonce à la Vierge Marie de sa maternité divine) le pape, sans citer nommément la France, avait déclaré: «Les textes liturgiques de ce jour nous redisent que tous les hommes sont appelés au salut. C'est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines...» L'allusion à l'expulsion des Roms y est à peine voilée au point que, aujourd'hui, il est question d'une rencontre entre le chef de l'Etat français et le souverain pontife. La critique au Kärcher vient sans doute de l'autre côté des Pyrénées. «Le gouvernement français est coupable d'avoir enfreint la loi de son propre pays, d'avoir ruiné l'histoire prestigieuse de la France comme championne de la liberté et d'avoir fabriqué des boucs émissaires dans une conjoncture de crise», a souligné dans un article au vitriol le quotidien espagnol El Pais. Un contexte qui met Nicolas Sarkozy dans une position embarrassante et place la France au ban de l'Europe.