Le filon n'a pas échappé au bon flaire des opérateurs économiques du moment. Toutefois, la grande distribution n'est pas née sans souffrance. Bien au contraire ! Les pionniers des grandes surfaces ont dû se battre, suer sang et eau pour faire admettre leur nouvelle manière de concevoir la vente directe. Les obstacles furent nombreux et avaient surtout pour nom : les commerces de proximité, d'une part et les multiples entremetteurs, commissionnaires et autres intermédiaires, dont le rôle devenait inutile et déteignait surtout sur le prix de vente final à la clientèle. Métro, Uno, dodo ! La grande distribution permettrait, en effet, à la ménagère de faire quelques bénéfices sur les tous les produits de large consommation. C'est sa mission. Dans l'absolu, pour un faible revenu, faible pouvoir d'achat, faire ses courses dans une grande surface est bien plus économique. Mais, l'on ne se pointe pas dans ce type de commerce pour un seul petit kilo de légumes secs ou de pâtes alimentaires. On y va pour remplir son chariot et en avoir pour au moins la semaine. Seulement, l'implantation d'un centre commercial, faute d'espace, se fait généralement loin des centres urbains. Et dans un pays comme le nôtre où le seul moyen de locomotion possible reste la voiture personnelle, l'on devine aisément qu'une bonne frange de la population non véhiculée, ne pourra fréquenter régulièrement, les grandes surfaces. C'est encore un problème de pouvoir d'achat, doublé d'une politique approximative de transport. N'a pas une voiture qui veut et ne verra pas le métro passer, qui veut ! En fin de compte, les bonnes affaires potentielles offertes par la grande distribution ne profiteront pas aux plus nantis. Faute de ne pouvoir s'y rendre continuellement et de ne pouvoir dégager un budget susceptible de remplir un cadi. L'on ne peut fidéliser des ménages vivant au jour le jour, au pouvoir d'achat, inlassablement calculé avec une décennie de retard. Sur la base d'un tel constat, aussi étroit soit-il, il serait assez hasardeux d'investir le créneau. Et sur un tout autre plan, les contraintes sont encore plus abondantes et plus décourageantes. La déficience de la production nationale, l'étendue de la contrefaçon, l'érosion du pouvoir d'achat, les difficultés d'accès au foncier et les atermoiements bureaucratiques rendent laborieux la croissance rapide de la grande distribution en Algérie. à cela, il faut aussi compter avec l'indomptable économie informelle qui pèse près de 40% de l'activité du pays. Plus de 500 000 commerçants activent au noir et il existe 2 400 marchés informels, selon des évaluations officielles. C'est une véritable concurrence déloyale, connue et reconnue au plus haut sommet de l'état. Mais, jamais combattue avec toute la volonté et rigueur voulue. J'y suis, j'y reste ! Malgré un tel tableau, pas du tout reluisant, il se trouve quelques intrépides qui mettent leurs œufs dans ce panier à crabes, qu'est la grande distribution, à la sauce algérienne. L'on peut citer, parmi les plus volontaires, sinon le chef de file, Cevital, à travers sa filiale spécialisée, Numidis. Pari risqué ? En tout cas, pari tenu ! Une opération qui ne laisse pas indifférents les Algériens. Aussi bien dans la rue que sur le Net, les réactions sont unanimes. Comme en témoignent ces quelques échos repris sur la Toile en s'exprimant sur le passage de Numidis à la grande distribution. “Il a le mérite de créer de l'emploi pour les jeunes Algériens”. “Il est en train de combler le vide (marché vierge) qui touche presque tous les secteurs économiques du pays, il investit là où il n'y a pas d'investisseurs, pendant que les autres gardent les bras croisés, en ne se focalisant que sur l'import-import...” Sic. Si de telles réactions sont aujourd'hui enregistrées, c'est simplement parce que de colossaux investissements sont consentis ici et là à travers le pays, en Algérie, dans le domaine de la grande distribution, entre autres. Le dernier en date, Uno de Bab-Ezzouar sur une surface de plus de 7 000 m2. Le mérite est d'autant plus grand aujourd'hui, alors que l'Algérie dégringole de dix places pour se positionner au peu reluisant 21e rang, dans un classement réalisé par un cabinet de consultants américain A. T. Kearney. C'est le résultat d'une étude sur le marché de la grande distribution dans le monde, dans laquelle il est évoqué la situation et l'évolution de ce circuit dans la région du Maghreb. Mais, force est de constater que notre pays, comparativement à nos voisins tunisiens et marocains, respectivement, 11e et 14e, demeure à la traîne dans le développement de la grande distribution. L'analyse d'A. T .Kearney, encourageante pour la majorité des pays de la région Maghreb et Moyen-Orient, relègue l'Algérie à un classement qui ne correspond pas à la taille de son économie. Pourtant, ni cette déplaisante publicité, ni la fermeture du groupe Blanky, avec sa marque Promy, pas plus que le départ de Carrefour en 2009, n'aura été source de découragement pour la filiale de Cevital. La grande distribution, c'est vital ! La grande distribution, sans jeu de mots, Cevital pour l'Algérien. Pas seulement pour la consommation du ventre, mais aussi de la tête, car ce type d'espace offre bien plus qu'un rayon de produits alimentaires, mais une large bande d'échange, de loisirs et de détente, lorsque c'est conçu en tant que tel. Bon vent ! R. L. [email protected]