Le pouvoir ne savait visiblement pas s'il devait fêter le cinquième anniversaire de la réconciliation. Timidement, des voix officieuses, comme celles de Ksentini ou Miloud Chorfi, ont servi les traditionnels poncifs sur les vertus pacifistes de la réconciliation nationale. Mais pas plus ; il n'y a pas de quoi pavoiser plus ostensiblement. Il faut le dire vite en effet que “la page de la tragédie nationale est tournée” ou que “la paix est revenue”. À moins de néantiser les victimes d'après-2005. En fait, c'est un bilan de plus de dix ans d'impunité qu'il convient d'établir. Dès 2000, la “concorde civile” a volé au secours de six mille terroristes de l'AIS, traqués par le GIA, avant de les mettre hors de portée de toute justice par un simple décret de “grâce amnistiante”. Cette mesure combinant la grâce et l'amnistie devait compenser l'échec vite constaté, à l'épreuve du terrain, de la loi portant concorde civile. L'approfondissement du processus, sous forme de “réconciliation nationale”, se résume, depuis, à une surenchère de concessions envers les terroristes, dont la condamnation à mort du patriote Gharbi n'est pas des moindres. Lorsque, en septembre 2005, “la charte pour la paix et la réconciliation nationale” vint compléter la “concorde nationale” en élargissant les terroristes emprisonnés, condamnés ou pas, c'est à la sortie de prison que des “émirs” libérés précisaient que la mesure ne les engageait pas. Il a sûrement fallu des années de sacrifices pour capturer près de deux mille six cent tueurs et quelques jours pour les soustraire, à perpétuité, à l'exigence de justice. Depuis, il n'y en a plus que pour leur “réinsertion”. Aucun doute n'est venu remettre en cause l'éloge d'une réconciliation nationale creuse et sonore quand, par exemple, des attentats kamikazes de 2007 contre les sièges de l'ONU et du Conseil constitutionnel, réalisés par un réseau initié par un ancien détenu “repenti” par la Charte pour la paix, ont fait quarante-trois morts et plusieurs blessés. Car, en fait, nul ne se fait d'illusion : tous les progrès dans le domaine sécuritaire sont le fruit de la lutte antiterroriste. En démobilisant la résistance citoyenne et en disqualifiant l'auto-défense, la “réconciliation nationale” a, au contraire, entravé cette lutte et contribué à la longévité des groupes armés. Pire : en dé-diabolisant le terroriste, elle a légitimé son idéal et soumis dans une certaine mesure, le comportement du citoyen aux attentes des terroristes. Ce que le FIS n'a pas osé, au plus fort de son arrogance, les nouveaux vigiles, enhardis par l'alliance contractée avec le régime, l'osent : pourchasser les cultes “étrangers” ; fermer par la violence les bars-restaurants. Dix ans après la “concorde”, cinq ans après la “réconciliation”, et pendant que le terrorisme continue à faire tout le mal qu'il peut, la société est prête à réaliser le programme de la dictature théocratique en gestation. M. H. [email protected]