Maître Miloud Brahimi, éminent avocat, paraît très séduit par les vertus républicaines de “la charte pour la paix et la réconciliation nationale” qui sera soumise à référendum le 29 septembre. Lors d'une table ronde sur la charte organisée, hier, par le quotidien El Moudjahid, l'avocat est allé jusqu'à exhorter “les amis démocrates” pour soutenir le projet et les appelle “à voter oui”. Pour lui, la philosophie de la charte, qui se décline dans son préambule (la condamnation du terrorisme comme agression criminelle et de la question du “qui tue qui ?”, un hommage aux services de sécurité, il y a l'insistance sur la pérennité de l'Etat républicain, le respect du pluralisme et de la démocratie), a tout pour “gagner l'adhésion d'un démocrate”. Et d'ajouter : “Il y a là tout ce qu'un démocrate peut attendre et exiger d'une démarche politique.” Des regrets, toutefois, chez notre avocat. Et il en a fait cas. “Je regrette que le débat sur la charte soit biaisé. Il y a une diabolisation réciproque tout à fait regrettable. Les partisans du oui traitent de tous les noms d' oiseaux ceux du non et ces derniers le leur rendent si bien. Je regrette infiniment l'absence de débat contradictoire.” “J'invite à la mesure et à la raison les gens qui débattent et au respect des uns et des autres.” Il déplore également “l'absence d'un débat contradictoire”. Il s'est montré quelque peu contrarié par “l'impunité accordée aux auteurs des crimes individuels”. “J'avoue que c'est gênant”, lâche-t-il. Mais il ne décèle pas “l'ombre d'une amnistie générale” dans le texte de la charte, mais seulement “une forme d'amnistie individuelle”. Parlant de l'affaire des disparus, il a indiqué que “le fait que l'Etat reconnaisse sa responsabilité dans une partie de la crise est déjà une forme de justice. Et il le fait d'une façon admirable et très performante”. “L'Etat s'apprête à faire acte de repentance. Je ne connais pas un seul Etat au monde qui soit allé aussi loin dans la reconnaissance de sa responsabilité”. Mais pour lui, il est hors de question de porter le chapeau des 15 000 morts à l'Etat algérien qui “a mené une guerre juste et légitime”. Sur cette question de la responsabilité de l'Etat dans “la tragédie nationale”, Me Farouk Ksentini a joint sa voix à celle de Me Brahimi en soutenant : “L'Etat était l'agressé et non l'agresseur. Il était dans un état permanent de légitime défense.” Abordant le dossier des disparus, Me Ksentini a sévèrement critiqué les associations des familles de disparus qui “se sont employées à surculpabiliser l'Etat”. Aussi il leur a dénié toute représentativité en affirmant : “Plus de 77% des familles sont d'accord pour recevoir une indemnisation, évacuer ce dossier du débat public et de n'exiger la poursuite de qui que ce soit. Ils ont adopté une attitude de conciliation. Il n'y a que ces 3 associations qui sont restées intraitables et dont les revendications se résument au slogan “vérité et justice”. C'est devenu une affaire familiale. Je ne pense pas que, moralement, elles ont le droit de se substituer aux familles de disparus et de s'opposer à la réconciliation nationale.” Pour ce qui est de la réconciliation nationale, il dit qu'elle participe du “devoir de mémoire” envers l'Algérie combattante, les victimes de la tragédie nationale… “Il faut régler les comptes aux règlements de compte. Il faut stopper l'état de guerre dans lequel s'est débattu le pays pendant 10 ans”, s'est-il écrié. Pour sa part, Mme Benhabilès estime que la charte pour la paix et la réconciliation nationale consacre “le devoir de mémoire et de solidarité”. Tout comme elle s'est félicitée que contrairement au Contrat de Rome, le texte de Bouteflika est une “solution algéro-algérienne” et que “l'Etat est en position de force et qu'il n'y a pas de négociation”. Elle n'a pas manqué, aussi, de dénoncer les ONG internationales qui ont exploité la question des disparus et les forces étrangères qui ont encouragé “l'avènement d'un Etat théocratique”. “Ce n'est pas le 11 septembre qui va nous faire oublier la responsabilité de certains pays étrangers dans la crise algérienne. Nous continuerons à les culpabiliser”. S'il pense que la charte “est un acquis pour l'Algérie”, Saïd Benabdellah, de l'Association des anciens pour la libération et droits des peuples, ne juge pas moins que le problème est après le 29 septembre car il y a lieu de “savoir ce qu'on veut faire réellement” des nobles objectifs de paix, des droits de l'homme, de réconciliation nationale proclamés par la charte. ARAB CHIH