Un ancien leader du Mend, le groupe armé qui a revendiqué un double attentat à la voiture piégée ayant fait 12 morts à Abuja vendredi, jour du 50e anniversaire de l'indépendance du Nigeria, a été interpellé en Afrique du Sud. Okah a été arrêté en Angola il y a trois ans et transféré au Nigeria. Il a été libéré dans le cadre d'un programme d'amnistie offert aux militants du delta du Niger, cœur de l'industrie pétrolière nigériane. Des milliers de militants ont bénéficié de cette amnistie proposée l'année dernière. Le double attentat de vendredi, première action de ce genre menée par le Mend à Abuja, la capitale nigériane, est intervenu après une trêve des attentats consécutive à l'amnistie. Deux frappes le jour du défilé célébrant le cinquantième anniversaire de l'indépendance, à un pâté de maisons des cérémonies officielles ! Avec cette double explosion à la voiture piégée, vendredi 1er octobre, au cœur même de la nouvelle capitale, Abuja, la guerre du pétrole a tout l'air de se développer au Nigeria, le géant pétrolier de l'Afrique. Le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (Mend) est-il en train de reprendre les hostilités avec le pouvoir nigérian, après avoir décréter une trêve ? Le mouvement, qui revendique une redistribution plus équitable des revenus de la manne pétrolière, avait averti il y peu les compagnies étrangères opérant dans le delta où vient d'être kidnappé un ressortissant français. Outre les victimes, le Mend a frappé fort dans Eagle Square, une immense esplanade qui concentre tous les symboles du pouvoir fédéral : la présidence de la République, l'Assemblée nationale, la Cour suprême, donc le cœur symbolique du pouvoir nigérian. Les deux voitures piégées ont explosé à quelques instants d'intervalle, alors que le président, Goodluck Jonathan, assistait au défilé ! L'impact symbolique de l'attentat est donc considérable et le Mend a démenti les informations de ces derniers mois selon lesquelles il était miné par des divisions entre les différents commandants des groupes armés qui le composent. Le Mend, fonctionne en effet, comme une forme de “centrale syndicale” pour tous les groupes armés du delta du Niger, dont, effectivement, certains de ses membres avaient accepté les conditions de l'amnistie mis en place par le pouvoir fédéral en 2009 pour tenter, après des opérations militaires dans la région du delta, de mettre fin aux attaques contre les installations pétrolières. Abuja pensait désamorcer la situation qui a contraint le Nigeria à revoir à la baisse ses exportations d'hydrocarbures. La production, au plus fort des attaques du Mend en 2008, avait chuté de moitié en raison des sabotages d'oléoducs, de stations de pompage, d'enlèvements et de toute une gamme de perturbations qui faisait flamber les prix des assurances. Courant 2010, le Mend avait annoncé mettre un terme à un cessez-le-feu proclamé quelques mois plus tôt, sans passer, au moins pour un temps, à de nouvelles attaques. Mais, l'organisation n'a pas souscrit au processus d'amnistie en cours au Nigeria. L'amnistie a prévu des mesures d'encouragement : ouverture de camps pour organiser la démobilisation des “boys” (combattants), versements de primes aux chefs qui livrent leurs hommes et armes… Les récalcitrants et, apparemment, ils sont nombreux, voient dans l'amnistie une simple stratégie en prévision des élections qui approchent. Le président en exercice, Goodluck Jonathan, n'est arrivé au pouvoir au printemps qu'en raison de l'état de santé, puis de la mort du chef de l'Etat, dont il était le vice-président. Il a servi auparavant à la tête de l'Etat du delta qui produit du pétrole (le Nigeria est une fédération de trente-six Etats). Alors qu'il devrait, selon les règles en vigueur dans le parti au pouvoir, céder la place à un candidat du Nord lors des prochaines élections, prévues en janvier, Jonathan s'est déclaré candidat, une semaine avant les festivités du cinquantenaire de l'indépendance sur Eagle Square. Pour convaincre le Nigeria du bien-fondé de cette candidature qui risque de déclencher des troubles, il a affirmé vouloir obtenir rapidement des résultats visibles dans trois domaines : celui de l'électricité (le Nigeria vit constamment avec des coupures), de la commission électorale (les dernières élections se sont révélées une catastrophe), et enfin concernant la paix dans le delta. La nouvelle irruption du Mend ne s'inscrirait-elle pas dans les jeux de la future présidentielle ? Dans l'Etat de Rivers au sud du Nigeria, les attaques du Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger ont repris cet automne avec des assauts contre des oléoducs appartenant au groupe anglo-néerlandais Shell, l'italien Agip et le français Total. Depuis, attaques et enlèvements se succèdent. Au point où le Nigeria a cédé sa place de premier producteur en Afrique à l'Angola. Le Mend affirme se battre pour les populations pauvres du delta du Niger qui fournit à lui seul près de 90% des devises du pays, soit des revenus estimés à 20,2 milliards de dollars par le gouvernement fédéral. Le groupe rebelle réclame une redistribution équitable en faveur de la majorité de cette population qui vit avec moins d'un dollar par jour. Visiblement, le Mend dispose de moyens logistiques et militaires assez importants pour ruiner l'industrie pétrolière, comme il l'avait promis.