La deuxième journée du Colloque international sur le harcèlement en milieu professionnel et familial, qui se tient depuis mercredi au siège du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) à Oran, a été marquée par une indignation quasi générale et une vive polémique quant aux contenus de certaines communications. En effet, jeudi, une grande partie des travaux était consacrée au harcèlement sexuel avec, également, un volet juridique sur la question. Dans ce cadre, plusieurs communications d'universitaires algériennes venus de M'sila et d'Annaba ont été données sur des études de cas de “harcèlement sexuel chez les femmes de ménage” et le “harcèlement sexuel chez les filles au travail”. Le contenu de ces deux communications a focalisé les débats et pour cause, au lieu de présenter un travail basé sur une méthodologie et une rigueur scientifique, les participants au colloque ont eu droit à des assertions moralistes idéologiques des plus révoltantes, frisant même le scandale du style, c'est le comportement vestimentaire et autres des femmes qui conduit au harcèlement sexuel ! Ainsi, dans la communication sur le harcèlement sexuel subi par des filles au travail, il s'est avéré que les cas ayant fait l'objet de l'étude étaient des mineures âgées de 12 à 16 ans, et qui plus est, se voyaient accoler des jugements moralistes à l'emporte-pièce, transformant la victime en coupable. Les réactions indignées n'ont pas tardé à fuser de la part d'autres universitaires, critiquant l'absence totale de rigueur scientifique dans les travaux, mais surtout du contenu idéologique sous-jacent. “S'agissant ici de mineures, nous ne sommes pas en présence de harcèlement sexuel mais cela relève tout simplement de la pédophilie… Vous ne pouvez, dans le cas de mineures de 12 ans, évoquer ainsi leur responsabilité, c'est de la pédophilie, c'est tout !”, s'emportera une intervenante. De même pour un enseignant tunisien, Bouhdiba Sofiane, qui présentera sa communication sur “les femmes dans un monde d'hommes : le harcèlement sexuel en Tunisie” se laissera à évoquer que “l'émancipation de la femme tunisienne, sa prolétarisation, notamment dans l'industrie du textile, l'a amenée à être plus souvent en contact avec les hommes” et donc provoquerait ainsi ces phénomènes de harcèlement sexuel. La notion du pouvoir a été un élément mis en relief dans le cas du harcèlement sexuel, l'utilisation de l'autorité comme dans le cas des étudiantes harcelées par leurs enseignants, sont un des facteurs aggravants. Dans le monde du travail, le harcèlement est notamment érigé en mode de fonctionnement de pression sur les travailleurs, et sur le plan juridique, les législations maghrébines, et même françaises, sont similaires et consacrent chacune des articles sur la protection des salariées, de leur intégrité morale et physique. Mais le cas marocain a été un exemple édifiant des transformations du monde du travail et des implications législatives qui ont suivi pour cette question de la protection des salariés. Sadik Youssef, de l'université d'Agadir (Maroc), fera état dans sa communication sur la “discrimination et responsabilité sociale de l'entreprise : une lecture critique du nouveau code du travail”, de l'absence, bien souvent, de textes d'application rendant presque caduques les nouvelles dispositions pénales. Mais ce qui sera révélateur, ce sont les modifications du code du travail marocain qui ont été apportées pour faciliter l'installation des entreprises étrangères. Les procédures, dira l'intervenant, “ont été allégées pour faciliter les licenciements, permettre les stages répétitifs ainsi que l'absence de textes d'application concernant la protection de la catégorie des femmes, des handicapés et des enfants”. Quant à inclure les femmes dans la catégorie des handicapés et des enfants est en soi tout un symbole.