L'actualité politique de notre pays est, à l'évidence, désarçonnante et merveilleuse à bien des égards. Même si votre serviteur, fidèle en cela à la dramaturgie chère à Bertolt Brecht, a la sensation d'assister à de curieuses redondances s'agissant des attaques en règle en direction du FLN. L'Histoire donne, en effet, l'impression de se répéter et, comme par hasard, un mois... d'Octobre. Sauf que cette année ce qui aurait pu être un requiem que nous devons aux présidents Chadli et Mitterrand est exécuté dans un mode particulièrement apprécié au Japon. Comme en octobre 1988, les médias en ont profité pour remettre au goût du jour de vieilles inimitiés dont l'origine remonte à la nuit coloniale. Les intentions des deux présidents étaient, certes, louables tant l'apaisement des relations entre les deux pays est souhaité par les peuples des deux rives. Mais ils sont allés vite en besogne lorsqu'ils ont voulu dépoussiérer la fameuse déclaration du général de Gaulle faite en 1958 à l'intention de ses officiers révoltés par les désertions de leurs homologues algériens: “Ne vous en faites pas ! Les intérêts de la France en Algérie ne seront jamais aussi mieux défendus que dans 30 ans.” Trente ans après, curieusement, la mise en scène d'octobre 1988 a failli donner raison à l'emblématique dirigeant français. Phénomène social s'il en est, le cinéma des deux pays symbolise à merveille les contradictions inhérentes à des systèmes qui passent l'éternel de leur temps à mettre en scène des variantes susceptibles de leur permettre de se reproduire qu'à trouver les solutions idoines en mesure de favoriser une véritable et salvatrice sortie de crise. Quelques films ont, certes, tenté de rapprocher les forces en présence. Mais en vain, si nous nous en tenons à La Soif des hommes de Serge Poligny (1949) qui filma deux ans plutôt Torrents dans le Sud algérien. En donnant dans une sophistication de la réalité et dans un optimisme des plus béats à propos des rapports régissant les colonisateurs et les colonisés, La Soif des hommes a fait croire à la Métropole que la caste coloniale vivait dans un univers de paix et de sérénité et que les Algériens ne demandaient qu'à coexister tranquillement aux côtés des forces d'oppression. Ce n'est donc pas sans raison si le passé colonialiste de la France en Algérie a de nouveau rattrapé son monde. Plus particulièrement depuis qu'une proposition de loi visant à “criminaliser le colonialisme français a été déposée par un député algérien.” Dans l'Hexagone, plusieurs voix, relayées par les médias, se sont élevées pour dénoncer un tel projet et le FLN, oubliant par la même occasion que ce n'est là qu'une juste réponse au prétendu “rôle positif” de la colonisation, à l'évocation par Nicolas Sarkozy des “crimes” perpétrés des deux côtés et au sempiternel refus de toute idée de “repentance.” À travers les documentaires et autres émissions dédiés au sujet, les chaînes de radio et de télévision redoublent de férocité, et ce n'est pas Elkabach qui nous démentirait, les fossoyeurs du rapprochement entre les deux peuples veulent faire admettre que “sous couvert d'enjeux de pouvoir internes, c'est non seulement ceux, rapatriés, qui ont vécu aux côtés du peuple algérien jusqu'en 1962 que l'on insulte, mais aussi, avec l'ensemble de l'armée française, les harkis que l'on méprise et que l'on injurie une nouvelle fois.” Faut-il pour cela faire disparaître le FLN pour que les relations entre les deux pays parviennent au stade de l'apaisement ? Mais le mois d'octobre est aussi porteur de choses positives. À travers la mue enregistrée par la télévision algérienne qui a enfin daigné s'ouvrir à la réalité objective comme de cette pieuse pensée que Français et Algériens se doivent d'avoir pour Jacques Panigel qui, en signant le film Octobre à Paris, grâce à l'aide du Comité Maurice-Audin et les fonds recueillis par la Fédération de France du FLN, avait concrétisé, dès 1961, le mot d'ordre du Congrès de la Soummam autour de l'utilisation des moyens audiovisuels dans la mobilisation des forces démocratiques en Algérie et en France pour l'émergence d'une solidarité agissante entre les peuples des deux rives. A. M. [email protected]