Mis en échec par les talibans, Washington a décidé d'étendre les frappes des avions téléguidés sur le territoire pakistanais, au nom du droit de poursuite contre les refuges d'extrémistes situés au Pakistan, dans la fameuse zone tribale. Obama a confié l'opération à la CIA. Des décisions qui passent mal à Islamabad. L'augmentation des capacités de la CIA est présentée par le Pentagone comme une évolution stratégique devant répondre au fait que l'armée pakistanaise ne peut pas ou ne veut pas se charger de l'éradication du terrorisme sur son territoire, plus concrètement, le long de ses frontières avec l'Afghanistan. Pour les stratèges militaires américains, il s'agit d'intensifier l'action militaire américaine contre les sanctuaires terroristes dans ce pays et répartir l'effort de guerre en Afghanistan des deux côtés de la frontière. En fait, voilà quelques mois que l'armée régulière prête des drones “Predator” et “Reaper” à l'agence de renseignements américaine afin que celle-ci démultiplie ses capacités à cibler et bombarder les refuges présumés terroristes à la frontière afghane. En septembre, l'utilisation d'avions bombardiers sans pilote a été rendu publique suite à une série de dommages collatéraux. L'agence a lancé en moyenne cinq attaques par semaine, soit 21 frappes en tout, au cours du mois dernier et rien que pour lundi dernier, un drone a tué une dizaine d'insurgés islamistes, dont quatre de nationalité allemande, selon les autorités pakistanaises. L'utilisation des drones est montée en cadence au point où les demandes du Pentagone et de la CIA ont provoqué la pénurie sur ce marché. La construction des drones ne va pas assez vite pour satisfaire la croissance rapide de la demande. Ses industries, aux Etats-Unis et en Israël, travaillent d'arrache- pied. L'utilisation de drones a exacerbé la tension entre Washington et Islamabad qui s'est installé après la série d'attaques menées des deux côtés de la frontière pakistano-afghane par des hélicoptères d'assaut de l'OTAN, et au cours desquelles 3 soldats pakistanais avaient été tué. Islamabad a réagi en ordonnant la fermeture d'un poste-frontière essentiel par lequel transitait l'approvisionnement des troupes occidentales postées en Afghanistan, et en menaçant de suspendre totalement le transit de conteneurs de l'OTAN dont des convois de camions citernes avaient été attaqués le 30 septembre, ainsi que 4 octobre, par des terroristes, démontrant, s'il le fallait encore, la vulnérabilité des lignes d'approvisionnement, voire de la présence, de l'OTAN en territoire pakistanais. Pour forcer la main aux Pakistanais, Washington a annoncé que des tireurs d'élite de la CIA ont tué 8 personnes soupçonnées d'être des talibans et des militants d'Al-Qaïda. L'opération a fait le tour du monde présenté comme un acte préventif qui a déjoué un complot terroriste devant frapper l'Europe de l'Ouest, au Royaume-Uni, en France ou en Allemagne. Une fois le travail accompli au Waziristan, les agents de la CIA sont revenus dans leur quartier général à Langley, dans la banlieue de Washington ! Alors que l'armée américaine procède à des vols de surveillance de drones au-dessus du Pakistan, bombarde les sites jugés par elle dangereux, le Pakistan interdit “officiellement” les opérations militaires américaines sur son territoire, au motif qu'elles constitueraient une violation de sa souveraineté. Et le subterfuge réside dans l'intervention dont les opérations, quoique de notoriété publique, sont techniquement clandestines. Ce qui permet aux pouvoir pakistanais de nier toute implication auprès de son opinion rétive. Encore qu'en réalité, des accords militaires existent entre les deux pays. Une base militaire pakistanaise abriterait même des drones américains, au sud du pays. En outre, la Maison-Blanche qui a autorisé la CIA à développer son programme et à déployer davantage de drones armés dans les zones tribales, au Pakistan, tout décidant d'envoyer 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan, négocie avec ses homologues pakistanais quant à la possibilité de procéder pour la première fois à des frappes au Baloutchistan. Une intervention qui pourrait susciter la controverse, car elle concerne une région située hors des zones tribales. Le programme de la CIA a suscité la colère de l'opinion publique au Pakistan. L'ire de la population s'exprime dans la presse qui parle de plusieurs centaines de victimes civiles. Le gouvernement pakistanais lui-même a avoué les dégâts sous le couvert de dommages collatéraux. Sur les 44 tirs de missiles effectués à partir de drones américains dans les zones tribales en 2009, seulement 5 ont atteint leur cible, ne tuant que 5 insurgés talibans sur un total de 708 morts.