Un automobiliste s'arrête dans une rue de la capitale pour quelques minutes. Au moment de repartir, le gardien de parking autoproclamé lui réclame son “dû”. Au “client” qui lui expliquait qu'il n'avait rien à payer parce qu'il n'est pas descendu de voiture et que, donc, il n'a pas eu besoin de la surveillance du vigile, celui-ci rétorque : “Mais vous m'avez occupé une place, le temps que vous étiez stationné !” Ce qui n'était qu'une vue de l'esprit de surveillants spontanés va devenir réalité : les espaces pouvant servir à garer des véhicules, en particulier sur les côtés des rues à stationnement autorisé, seront concédés à des gardiens, certes sélectionnés, mais qui, selon le projet du ministère de l'Intérieur, disposeront légalement du droit de perception d'une taxe de parking. Là aussi, les autorités peuvent prendre la précaution d'instituer une tarification réglementée. Mais il n'est pas difficile de prédire que la rude concurrence imposée par la pénurie de parkings ne manquera pas de faire sauter d'eux-mêmes les plafonds de tarifs. Jusqu'ici contenue par l'illégalité de l'activité de gardiennage et, donc, la vulnérabilité du gardien face à la réglementation, l'inflation des prix perçus ne manquera pas de se débrider, une fois la légitimité de ces percepteurs établie. Ce sera aux automobilistes de surenchérir pour se procurer une place de garage ou la réserver. Le tri entre “bons” clients, clients ordinaires et “mauvais” clients, se fera par le concessionnaire du secteur et en fonction de la disponibilité des espaces et de l'affluence des automobilistes en quête de places de garage. Si l'on n'a pas réussi à faire jouer la loi de l'offre et de la demande dans le commerce ordinaire, que dire d'une activité dont la raison d'être est la pénurie de parkings en l'occurrence ? Le projet de concession des places de stationnement, outre qu'il comporte le paradoxe d'autoriser une gestion privée de portions de la voie publique, transforme l'usager de cette voie publique en client d'un exploitant privé. à moins d'envisager un mode de paiement automatique, le contexte de déficit chronique d'espaces de stationnement rend difficile une régulation commerciale du stationnement. Même si cette gestion est réalisée au profit des municipalités, il leur sera difficile de convertir un personnel coutumier de l'encaissement direct au simple rôle d'intermédiaire intéressé. Promouvoir une franche concession revient donc, simplement, à officialiser le fait accompli du parking sauvage. Et en faire profiter, dans une modeste mesure, le Trésor public. Ce qui, au demeurant, n'en est pas l'objectif. Le ministre de l'Intérieur avait, dans un autre registre, déclaré qu'il ne sera pas “en guerre contre le marché informel”. Pour des raisons sociales notamment, l'état marche derrière la société pour homologuer les agissements des plus futés d'entre nous, parce qu'ils ont fini par devenir des agissements de masse. Le temps que l'état se mette à se pencher sur les dérives sociales profite ainsi à ceux qui ne s'embarrassent pas de précautions civiques. En contrepartie, et devant le déficit de marchés et de parkings, l'état structure l'anarchie au lieu d'assumer sa responsabilité en termes d'offres de structures. M. H. [email protected]