L'homme d'affaires émirati, qui avait obtenu des marchés en Algérie grâce à ses amitiés avec le Président, n'est plus en affaire avec le groupe égyptien qui estime que celui-ci lui a porté préjudice. Fin de mission pour l'homme qui se prévalait de la confiance de Bouteflika. Le groupe égyptien l'accuse de lui avoir causé de graves préjudices en Algérie, en l'entraînant dans les clivages politiques locaux. Le groupe Orascom accuse Mohamed Al-Shorafa, l'homme d'affaires émirati et néanmoins amis du président Bouteflika, de lui avoir causé de grands préjudices en Algérie. “Al-Shorafa a véritablement terni notre image en Algérie et nous a grandement nui”, nous dit-on. Ce groupe soutient qu'il reste attaché à sa vocation unique, à savoir l'investissement économique et les affaires et s'estime lésé par les agissements d'Al-Shorafa qui l'a embarqué dans des clivages politiques algéro-algériens. Après l'élection de Bouteflika en 1999, Mohamed Ali Al-Shorafa, qui était, rappelons-le, son employeur aux émirats arabes unis, lui proposait des “démarchages” auprès d'investisseurs arabes pour les convaincre de s'engager financièrement dans divers projets en Algérie. Ces propositions étaient transmises directement à la présidence de la République via le conseiller de Bouteflika, Rachid Aïssat. Les investissements du groupe Orascom étaient alors présentés comme le résultat de ces pourparlers directs entre Al-Shorafa et la présidence de la République. D'autant que Al-Shorafa avait un “bureau de représentation en Algérie”, en fait une chambre (la n°31) à l'hôtel El-Aurassi. On apprend, aujourd'hui, que s'agissant des projets d'Orascom, il n'y était pour rien. Et que si le groupe Orascom n'avait pas démenti ces “allégations”, c'est parce qu'il les croyait sans incidences sur l'avenir de ses projets et de son image en Algérie, d'autant qu'à l'époque, le groupe accusait un déficit certain en matière de communication, reconnaît-on désormais. Dans ses correspondances à la présidence de la République, Al-Shorafa se targuait d'avoir été à l'origine des investissements du groupe pour convaincre Bouteflika d'agir en faveur d'autres investisseurs parmi ses proches amis du Golfe. Il arrivait même que, dans ses correspondances, l'homme d'affaires émirati se plaint des lenteurs de la réponse de la partie algérienne et qu'il rappelle à notre chef de l'Etat ses “engagements” dans ce sens. Notre confrère Le Matin a déjà publié quelques-unes de ces lettres. S'agissant du groupe Orascom, l'on apprend qu'il se démarque de toutes ces démarches, y compris des plaintes introduites en justice par Al-Shorafa contre notre confrère Le Matin. “On ne penserait jamais à déposer de telles plaintes surtout pas contre des journaux”, nous dit-on tout en précisant que “nous ne voulons pas de problèmes, nous ne faisons pas de politique et nous nous en tenons à faire notre métier et à assumer notre vocation”. Et d'ajouter : “Nous sommes sûrs de nous-mêmes et de nos capacités managériales et d'investissements et nous ne sentons pas le besoin de soutenir quiconque contre quiconque d'autre.” Orascom ne se sent donc pas obligé d'assumer politiquement les amitiés de Mohamed Ali Al-Shorafa. En effet, l'on estime que si Al-Shorafa veut soutenir financièrement un candidat à la présidentielle algérienne, cela reste son problème et uniquement “le sien”. D'autant plus, nous dit-on encore, le groupe Orascom “n'a aucun rapport avec cet homme”. “Nous ne lui devons rien et en retour il ne nous doit rien, même s' il faut dire que ses pseudo-démarchages nous ont valu un grand préjudice”. C'est une véritable mise au point qui vient d'être faite ainsi quant à des liens entre Orascom et Al-Shorafa. Une mise au point que le groupe estime indispensable aujourd'hui, d'autant qu'il compte poursuivre ses investissements en Algérie, où ils envisagent des projets à moyen et à long terme. Il compte faire valoir dans notre pays sa maîtrise de divers domaines, notamment celui de la cimenterie. La cimenterie de M'sila va entrer en phase de production sous peu, assure-t-on, et plus de 2 000 personnes y seront employées. Orascom, rappelle-t-on, est propriétaire, en Egypte de la deuxième cimenterie au monde. Le groupe opère dans divers autres secteurs, tels que la construction, la téléphonie mobile, la technologie de communication, le commerce et le tourisme. Durant l'été 2002, Le Matin avait révélé le rôle joué par Al-Shorafa auprès de la présidence de la République dans l'octroi de certains marchés et projets algériens à des investisseurs du Golfe, mettant gravement en cause l'homme d'affaire émirati Mohamed Ali Al-Shorafa. Cet homme d'affaires est un vieil ami et fut l'employeur de Abdelaziz Bouteflika durant ce que ce dernier appelle sa “traversée du désert”. Les deux hommes s'étaient rencontrés grâce à une tierce personne elle-même proche d'Al-Shorafa, qui fréquentait l'hôtel Intercontinental d'Abu Dhabi où Bouteflika avait lui-même une suite louée à l'année. Devenu son employeur, Al-Shorafa a tenté, depuis 1999, après l'élection de Bouteflika à la magistrature suprême, de tirer profit de cette relation. Après les révélations du Matin, Al-Shorafa avait intenté des procès contre le journal, et le gouvernement algérien par la voix de Khalida Toumi, son porte-parole d'alors, avait annoncé que des enquêtes étaient en cours. Sans aucune suite à ce jour. Nadia Mellal Portrait d'un homme d'affaires infréquentable Ali Mohamed Al-Shorafa est un homme d'affaires émirati. C'est un ami intime du président Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier l'avait connu lorsqu'il vivait aux Emirats arabes unis, par le biais de l'un de ses conseillers. Patron de la société United Eastern Group, Al-Shorafa a mis les pieds en Algérie, pour la première fois, en juillet 1999. Officiellement, la visite ne rentrait pas dans le cadre de la venue d'investisseurs étrangers en Algérie. L'homme d'affaires s'est déplacé en Algérie pour féliciter M. Bouteflika de son accession à la magistrature suprême. Mais, dans les faits, cette visite visait un objectif beaucoup plus lucratif. Al-Shorafa venait demander à son ami une faveur : lui faciliter l'octroi d'un contrat de la téléphonie mobile, d'autant plus que l'Algérie avait amorcé le processus de la vente de la seconde licence GSM. Un marché juteux que le milliardaire émirati n'avait pas hésité à arracher par le biais de ses liens avec le chef de l'Etat. L'accord, qui avait été signé en août 1999, n'avait pas respecté les procédures légales de passation de marchés et d'avis d'appel d'offres. Six mois plus tard, Ali Al-Shorafa décroche deux autres marchés. Une cimenterie à M'sila et un projet portant sur la rénovation de l'aéroport Houari-Boumediene. Deux autres projets avaient été également annoncés. L'UEG a soumis au ministère des Transports et à celui de la Participation un projet de développement et d'investissement concernant la zone franche de Bellara et le port de Djendjen. Le second projet concernerait la modernisation du port d'Alger. Cependant, aucun projet n'est arrivé à terme. S. T. Que devient l'enquête promise par Khalida Toumi ? C'est par la voix de Khalida Toumi, alors porte-parole du gouvernement, que le pouvoir annonçait l'ouverture “d'enquêtes” concernant des scandales financiers impliquant de hauts responsables. C'était le 13 août 2002. Khalida Toumi avait qualifié les révélations publiées dans la presse sur les affaires Orascom et l'homme d'affaires émirati Al-Shorafa de très positives, puisque “le débat contribue à la transparence dans la gestion des deniers publics et à la refondation de l'Etat”. Elle avait promis que “toute la lumière sera apportée sur ces questions”. Cependant, plus d'une année après cet engagement d'un membre du gouvernement pour apporter des éclaircissements sur un dossier qui touche directement les intérêts économiques du pays, rien n'est fait. Aucune information n'a été rendue publique sur la très controversée affaire Orascom. Aujourd'hui, alors que l'un des principaux négociateurs du contrat est hors course, c'est un élément clé de l'affaire qui est perdu, et c'est une partie de la vérité qui ne sera pas connue. S. T.