Les assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale, qui se sont tenues à Washington du 8 au 10 octobre dernier, en présence des responsables de l'économie algérienne, ont donné lieu à des débats et à des négociations qui ont été très peu relayés par les médias nationaux et restent peu connus du grand public. Leur influence sur la situation présente et future de l'économie nationale est pourtant loin d'être négligeable. Les délégués des 186 pays, représentés à l'occasion des réunions d'automne des institutions de Bretton Woods, devaient faire face cette année à un ordre du jour chargé. Les conditions de sortie de ce que les experts du FMI appellent désormais la “grande dépression” étaient au menu. Au lendemain de la crise économique la plus grave de l'après-guerre, la croissance de l'économie et du commerce mondial, mais aussi la réforme du système financier, les déficits budgétaires, les taux de change des monnaies et jusqu'à la gouvernance de l'économie mondiale, tout semble devoir être remis à plat, passé en revue et questionné. En guise de boussole, les milliers de hauts fonctionnaires et d'experts qui se sont bousculés à ces AG ont pu disposer du traditionnel “rapport sur les perspectives de l'économie mondiale”, rendu public au début du mois d'octobre par le FMI. Une reprise économique spectaculaire Au premier semestre 2010, la reprise économique dans le monde a été spectaculaire. Plus de 5,2% en moyenne mais aussi près de 15% d'accroissement de la production manufacturière et un commerce mondial qui a littéralement explosé avec près de 40% d'augmentation par rapport à la même période de 2009. Il s'agit d'une croissance “à plusieurs vitesses” qui est tirée principalement par les économies émergentes d'Asie et d'Amérique du Sud qui enregistrent des chiffres de croissance supérieurs à 8%, tandis que les pays avancés doivent se contenter d'environ 3% d'augmentation de leur PIB au cours de la première partie de cette année. Les géants chinois et indiens figurent au palmarès des meilleures performances avec une croissance supérieure à 9%, mais le champion au premier semestre 2010 est le Brésil qui, avec plus de 10% de croissance, illustre l'émergence et la montée en puissance de beaucoup d'économies sud-américaines. Pour l'ensemble de l'année en cours, le FMI prévoit une croissance mondiale de 4,8% en moyenne en raison d'un ralentissement au deuxième semestre 2010. Les pays émergents devraient enregistrer une croissance de 7,1% en moyenne. La croissance n'atteindra que 2,7% dans les pays développés. L'Algérie figure dans une catégorie intermédiaire avec de nombreux pays en développement dont la croissance sera comprise entre 3 et 5%. Les prévisions pour notre pays se situent néanmoins dans le bas de la fourchette avec une estimation de 3,8% en 2010 Un haut fonctionnaire, membre de la délégation algérienne, commente ces résultats : “Notre pays aurait tout à perdre et rien à gagner en cas de rechute de la croissance mondiale et de prolongation de la crise économique. En 2009, la dépression mondiale a ramené la croissance chez nous à un peu plus de 2%. Aujourd'hui, avec la reprise, nous doublons notre performance et nous passons à près de 4%.” Pour notre interlocuteur, la convergence des intérêts est encore plus évidente dans le cas des marchés de l'énergie : “Au plus fort de la crise, entre fin 2008 et juin 2009, les prix pétroliers sont descendus jusqu'à 30 dollars. Aujourd'hui, ils se situent, grâce à la reprise de l'économie mondiale, dans une fourchette relativement stable de 70 à 80 dollars depuis le début de l'année.” Des risques de dégradation Tout n'est cependant pas rose dans ce tableau, et le rapport du FMI souligne la fragilité des résultats obtenus. “Jusqu'à présent, la reprise de l'économie se déroule dans l'ensemble comme prévue, mais les risques de dégradation restent élevés. La plupart des pays avancés et quelques pays émergents ont encore des ajustements importants à réaliser. Leur croissance est peu soutenue et le chômage élevé pose de gros problèmes sociaux.” Le FMI détaille les conditions d'une reprise “saine et durable”. Elles concernent tout d'abord les pays avancés, particulièrement les Etats-Unis qui doivent “accélérer l'assainissement et la réforme de leur système financier pour permettre la reprise d'une croissance saine du crédit”. Pour les pays avancés, qui ont beaucoup utilisé l'instrument budgétaire depuis le début de la crise, il est également “urgent d'établir des plans concrets de réduction des déficits budgétaires futurs. L'ajustement budgétaire doit débuter dès 2011 pour dégager rapidement de nouvelles marges de manœuvre”. Enfin, la plupart des pays avancés, notamment les Etats-Unis, doivent réduire leur déficit commercial en développant leurs exportations. De leur côté, les pays émergents, tout spécialement la Chine, sont invités à rééquilibrer leur croissance en comptant davantage sur les débouchés internes et moins sur les exportations. Ils doivent aussi, face à l'afflux de capitaux dont ils bénéficient, laisser leur monnaie s'apprécier plutôt que de continuer à accumuler des réserves de change qui ont atteint un niveau considérable. À l'appui de ces exhortations, l'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, se livre à un plaidoyer en faveur de la coordination des politiques économiques nationales : “Si la croissance s'arrête dans les pays avancés, les pays émergents auront du mal à s'en découpler. Il est peut-être encore plus important, aujourd'hui qu'au plus fort de la crise, il y a 18 mois, de concevoir soigneusement les politiques économiques nationales et de les coordonner à l'échelle mondiale.” Une recommandation taillée sur mesure Parmi les recommandations formulées par le FMI, l'une d'entre elles, qui s'adresse à “de nombreux pays émergents et en développement”, semble taillée sur mesure pour l'Algérie. Ces pays, qui, selon le Fonds monétaire, “ont mené à bien la première génération de réformes qui leur a permis d'améliorer leur cadre de politique macroéconomique et ainsi de renforcer leur capacité de résistance aux chocs externes”, doivent maintenant, dans le but de “pérenniser leur croissance potentielle et l'emploi, veiller principalement à simplifier la réglementation des marchés de produits et de services, développer le capital humain et mettre en place les infrastructures essentielles. Ces réformes leur permettront d'absorber, de manière productive, les apports croissants de capitaux qui vont continuer à augmenter à moyen terme, car les résultats des pays émergents s'améliorent par rapport à ceux des pays avancés”.