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L'Otan veut renouer avec l'Algérie
Dialogue politique et sommet de Lisbonne de novembre prochain
Publié dans Liberté le 23 - 10 - 2010

L'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (Otan) veut renouer le dialogue politique avec l'Algérie. Après une interruption qui aura duré plus de deux ans, l'Otan semble se rendre à l'évidence que le dialogue Nord-Sud ne peut aboutir à des résultats concrets que si Alger participe activement à ce processus. Mais dans quelles conditions et pour quelle finalité ?
Pour une organisation qui prétend “fonctionner par consensus”, il est aujourd'hui nécessaire d'impliquer ses partenaires de la rive sud de la Méditerranée dans sa nouvelle démarche de sécurité globale où “la force militaire n'est plus un atout suffisant dans le règlement des conflits”.
Et en prévision du sommet qui aura lieu les 19 et 20 novembre prochain à Lisbonne où l'Otan approuvera son nouveau concept stratégique, l'Alliance a organisé jeudi dernier en son quartier général à Bruxelles (Belgique) un forum qui a vu la participation d'une délégation algérienne de haut niveau. L'objectif était bien entendu de ramener les Algériens à la table du dialogue politique qu'ils ont boudée depuis 2008 en raison notamment de la dégradation de la situation dans la bande de Gaza et de la persistance de la répression israélienne mais aussi d'échanger les points de vue sur des dossiers bien connus à savoir la lutte contre le terrorisme et la situation au Sahel, la sécurité énergétique, la cybersécurité et la prolifération des armes de destruction massives.
Le Sahel et le terrorisme
La délégation algérienne n'a pas manqué de saluer les Etats qui refusent de payer les rançons aux groupes terroristes faisant remarquer à l'occasion que cette démarche consolide “la lutte antiterroriste contrairement à celle plus compromettante qui remet en selle le terrorisme dans une région extrêmement sensible”. Si les Européens encouragent les terroristes par le biais du paiement de rançons, la situation connaîtra un sérieux dérapage dans les toutes prochaines années, ont averti les Algériens. Dès lors qu'un ressortissant étranger coûtera désormais 5 millions d'euros... Qui arrêtera alors le terrorisme ? Il faut dire que la sous-région a constitué un axe fort du débat au point où il a été question de savoir si, dans certains pays de l'UE, la vie d'un seul ressortissant est de nature à remettre en cause une politique étrangère ou des engagements internationaux.
Pour les représentants de l'Otan, la sécurité des pays membres de l'organisation ne peut être dissociée de la stabilité dans la sous-région. Ainsi, tout en affirmant qu'elle est en train de subir de profondes transformations pour s'adapter aux nouvelles donnes et défis internationaux en créant récemment le comité du renseignement civil, l'Alliance plaide désormais pour “un traitement plus global” des menaces et des risques qui pèsent sur la scène régionale et internationale. C'est la raison pour laquelle, le sommet de Lisbonne devra, selon ses initiateurs, marquer “une nouvelle page dans les relations de l'Otan avec ses sept partenaires du Sud” (Algérie, Tunisie, Jordanie, Maroc, Mauritanie et Israël) en intégrant la dimension civile à savoir le développement économique et social, le fonctionnement des institutions, les plans civils d'urgence, la justice et la coopération scientifique et environnementale. Mais l'Otan sera-t-elle suivie dans sa démarche multisectorielle par ses partenaires de l'UE, de l'ONU et la Banque mondiale ? Pour le secrétaire général délégué de l'Otan, Claudio Bisogniero, l'organisation a “énormément changé en devenant un facteur de stabilité internationale”, avant de mettre en relief le rôle joué par l'Algérie dans le dialogue politique, un partenaire qu'il a qualifié de “très actif”. “L'Otan n'a pas la vocation de devenir le gendarme du monde, nous n'avons même pas les capacités de le faire. Le rôle revient au Conseil de sécurité des Nations unies”, souligne le SG délégué pour qui l'Algérie est un partenaire important dans l'échiquier régional et international et qu'il est impérieux d'associer dans le processus d'explication et de mise en œuvre du nouveau concept stratégique de l'Alliance qui doit faire sa mue. “Notre sécurité est étroitement liée à la sécurité de la Méditerranée” a encore souligné Claudio Bisogniero. Et d'ajouter que l'Algérie a participé courant 2010 à 72 activités dont des contacts militaires de haut niveau. Dans le cadre de la formation, l'Algérie a envoyé plusieurs délégations au Collège de Défense de l'Otan à Rome.
Pourquoi le nouveau
concept stratégique ?
L'Alliance atlantique, créée en 1948, est une organisation politico-militaire qui a évolué depuis les attentats du 11 septembre 2001 sous la pression de Washington même si d'autres membres de l'Otan s'en défendent en réaffirmant le mode de fonctionnement par consensus. Plus de 10 ans après avoir adopté le concept de 1999 où l'Alliance ne comptait que 16 membres, alors qu'elle en compte à présent 28, le monde a énormément changé. Du coup, elle doit s'adapter aux nouvelles réalités géostratégiques où “la cybersécurité à elle seule peut constituer une menace réelle sur la stabilité des Etats”. Mais, selon des observateurs, le nouveau “concept stratégique” vise à “pousser les Européens à accepter d'entrer dans le bouclier antimissiles américain”. Ce qui signifierait “la disparition programmée d'une autonomie de défense européenne” et la mainmise totale des USA sur cette organisation qui ne les a pas suivis dans leur stratégie d'occupation de l'Irak.
Comment le processus a-t-il été conduit ?
Si des membres de l'Alliance tiennent à remercier l'Algérie pour sa contribution dans le cadre de l'enrichissement du nouveau concept qui doit être finalisé et adopté lors du sommet de Lisbonne de novembre prochain, il n'en reste pas moins que la perception de l'Algérie des dossiers n'est pas encore acceptée. On peut citer le conflit israélo-arabe par exemple ou la prolifération des armes de destruction massives. Sur ces deux points bien précis, l'Otan semble laisser le temps au temps en misant sur un traitement au cas par cas des dossiers afin de ne pas bloquer indéfiniment le dialogue politique dont elle appelle à la reprise avec Alger. “Les problèmes que l'on ne peut régler aujourd'hui peuvent l'être demain”, plaident-ils. Mais en attendant, des représentants permanents de pays membres au quartier général de l'Otan souhaitent que l'Algérie adhère au programme de coopération individuel structuré dans le cadre du dialogue méditerranéen. L'Alliance semble très embarrassée par le fait que sur les 7 membres de la rive sud, seul Alger n'a pas encore répondu favorablement à cette démarche. Visiblement l'Otan “comprend les raisons de ce boycott” mais continue de camper sur ses positions sur les sujets qui fâchent.
Le dialogue méditerranéen pour enterrer l'UPM
Si l'Union pour la Méditerranée est morte de sa belle mort avant même de faire ses premiers pas, en raison notamment du conflit israélo-arabe, depuis son lancement en juillet 2008 à Paris, des responsables de l'Alliance ne désespèrent pas de voir le dialogue méditerranéen qui a connu depuis 1994 plusieurs étapes aboutir à de résultats beaucoup plus concrets. “Il ne faut pas casser ce jouet”, une allusion au dialogue méditerranéen qui avance certes à pas de charge mais qui a connu jusqu'à présent des réussites notamment dans le règlement du conflit dans l'ex-Yougoslavie. Un exemple qui en tout cas permet aux responsables de cette organisation d'espérer que les réticences exprimées par certains pays arabes sur les objectifs même de l'Otan finiront par disparaître avec la nouvelle politique d'ouverture de l'Alliance. Cependant, le chemin risque d'être long. Et l'exemple nous vient plus précisément de la formule du dialogue 28 + 7 imposée jusque-là par l'Alliance. L'Algérie, qui plaide pour sa part pour une géométrie variable, refuse de s'asseoir à la même table de discussions où figure Israël. Un point d'achoppement sur lequel, du moins dans l'état actuel des choses, l'Otan refuse de céder d'un iota même si elle rappelle qu'elle n'est pas partie prenante dans le règlement du conflit palestinien qui reste du ressort de l'ONU et des parrains du processus de paix israélo-arabe. Pourtant, d'autres formules plus flexibles existent et permettent de contourner cette difficulté.
Des pays membres persistent de leur côté à vouloir imposer ce genre de procédés en invoquant le principe de complémentarité et d'autodifférenciation afin de forcer une certaine normalisation déguisée de certains pays arabes avec Israël. L'argument tout trouvé, à savoir la participation qui permet de ne pas laisser Tel-Aviv profiter de tous les avantages de la coopération avec l'Otan, ne semble pas convaincre grand monde dont principalement Alger.
L'autre point de discorde relevé lors des discussions : la lutte contre la prolifération des armes de destruction massives. L'Otan, qui fait sien cet objectif, renvoie automatiquement les pays arabes à la commission de Genève lorsque le cas d'Israël est évoqué. À partir de là, il sera difficile de convaincre les partenaires du Sud et là encore l'Algérie qui plaide le droit des pays en développement à utiliser le nucléaire civil à des fins pacifiques.
Un appel “informel” à renouer le dialogue
En attendant le sommet de Lisbonne, une délégation de l'Otan se rendra en Algérie le 25 octobre courant pour tenter de relancer le processus de concertation méditerranéen. Ce dernier avait été enclenché en 1994, mais n'a été rejoint par l'Algérie qu'en 2000. En dix ans de participation, quel bilan peut-on tirer de cette coopération ? La formation des élites militaires ? Les manœuvres conjointes dans le cadre de l'opération Active Endeavour ? L'échange d'informations dans le cadre de la lutte antiterroriste ? Si l'on peut admettre que la coopération sécuritaire s'est bien déroulée, Alger attend beaucoup plus du volet politique et diplomatique. Pour l'heure, il n'y a pas de signaux particuliers qui puissent faire avancer les choses. Des représentants permanents de pays membres de l'Alliance appellent le gouvernement algérien à reprendre les discussions politiques bloquées depuis 2008. Il faut savoir que la dernière réunion à laquelle avait assisté l'Algérie avec un niveau de représentation en la personne du ministre des Affaires étrangères remonte à 2007. En 2008, c'est l'ambassadeur d'Algérie à Bruxelles qui avait représenté le gouvernement algérien. Depuis cette date, le pays a décidé de bouder le dialogue. Aujourd'hui, il s'agit de savoir ce que va proposer la délégation de l'Otan au gouvernement algérien pour le convaincre de reprendre le dialogue méditerranéen.
Des membres de l'Otan sont confiants. “Il faut venir et dire ce que vous pensez”, disent-ils. Unanimes, ils appellent à un partenariat plus renforcé en laissant le soin à Alger de “fixer ses conditions, ses thèmes et ses domaines de coopération”. Des pays européens, qui ont été le théâtre d'attentats terroristes, ne cachent pas leur souhait de voir l'Algérie leur offrir son expertise en matière de lutte contre la subversion islamiste. “Nous voulons connaître vos idées, votre manière de penser, nous avons nos analyses mais quelles sont pour vous les nouvelles menaces, les défis sécuritaires, la sécurité énergétique, comment trouver des énergies alternatives est aussi une question de sécurité comme l'est la question de l'eau, nous attendons votre perception et vos expériences pour organiser le dialogue dans l'intérêt de l'Otan et de l'Algérie.” Ainsi exprimé, le message est clair mais demeure en même temps informel. Et en l'absence d'un caractère officiel à cette invitation à renouer le dialogue, cet appel reste du domaine du simple souhait et du moins du débat.


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