Les documents de WikiLeaks montrant de nombreux cas de torture et d'abus de prisonniers irakiens par des policiers et des soldats irakiens, bien que mettant l'accent sur la responsabilité de Washington, ne sont-ils pas en fait une manœuvre américaine pour améliorer son image ternie par les horribles images d'Abou-Ghraïb ? Les 400 000 documents secrets de l'armée américaine sur la guerre en Irak divulgués par WikiLeaks et montrant que les soldats de la coalition internationale ont torturé des prisonniers irakiens et fermé les yeux sur des exactions commises par les forces irakiennes soulèvent des interrogations. En effet, on ne peut que se poser des questions sur le pourquoi et le timing de ces révélations, qui viennent lever le voile sur ce qui s'est réellement passé en Irak depuis l'invasion de ce pays le 20 mars 2003 par l'armada de George Walker Bush. Le fait que le site spécialisé dans le renseignement ait mis plusieurs semaines pour commencer à diffuser les documents, qu'il a présentés comme “la plus grosse fuite de documents militaires secrets de l'histoire” suscite également des questionnements. Cela étant, les documents mettent en évidence “de nombreux cas de crime de guerre qui semblent manifestes de la part des forces américaines, comme le meurtre délibéré de personnes qui tentaient de se rendre”, qui compromettent de nombreux responsables américains et irakiens. Ils révèlent “plus de 300 cas de torture et de violences commis par les forces de la coalition sur des prisonniers”, indique WikiLeaks, qui a aussi dénombré plus d'un millier d'exactions de la part des forces irakiennes. Une grande partie des textes sont expurgés des noms pouvant mettre en danger des personnes, a expliqué WikiLeaks. Le fondateur de ce site, Julian Assange, a déclaré sur CNN : “On parle de cinq fois plus de morts en Irak, un vrai bain de sang comparé à l'Afghanistan.” Avant d'estimer que “le message de ces dossiers est puissant et peut-être un peu plus facile à comprendre que la complexe situation en Afghanistan”. Dans le même ordre d'idées, un responsable du site WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson, a annoncé hier, lors d'une conférence de presse à Londres, la diffusion prochaine de nouveaux documents confidentiels de l'armée américaine sur la guerre en cours en Afghanistan. La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, tout en refusant d'entrer dans les détails de ces révélations, a condamné la fuite de tout document pouvant mettre en danger “la vie des soldats et des civils des Etats-Unis et de leurs alliés”. Selon la chaîne de télévision qatarie El-Jazeera, qui a bénéficié de la primauté, l'armée américaine a “couvert” des cas de torture de détenus par les autorités en Irak, où des centaines de civils ont en outre été tués à des barrages tenus par les alliés. De son côté, le quotidien londonien The Guardian estime qu'au vu des documents, “les autorités américaines n'ont pas enquêté sur les centaines de cas de violences, torture, viol et même des meurtres commis par des policiers et des militaires irakiens”. Les documents indiquent que la guerre en Irak a fait 109 032 morts, dont plus de 60% sont des civils, soit 66 081 personnes. Sur ce total, 15 000 décès de civils n'avaient jusqu'à présent pas été révélés, selon WikiLeaks. Ces chiffres montrent “que les forces américaines disposaient d'un bilan recensant morts et blessés irakiens, même si elles le niaient publiquement”. Pour rappel, un bilan américain publié officiellement fin juillet faisait état de près de 77 000 Irakiens civils et militaires tués de 2004 à août 2008. Les documents font également état de liens entre le Premier ministre irakien sortant Nouri al-Maliki et des “escadrons de la mort” qui semaient la terreur au début du conflit. D'autres documents “révèlent de nouveaux cas impliquant l'ancienne société de sécurité américaine privée Blackwater dans des tirs contre des civils”, sans qu'aucune charge soit retenue contre elle.