L'image des Etats-Unis a été sérieusement ternie par la divulgation des scandales de ses soldats dans les prisons, notamment à Abou Ghraïb, Bagram et Guantanamo. Même Saddam Hussein n'a pas échappé à leurs railleries. La journée de vendredi a été marquée par plusieurs manifestations dans bon nombre de pays musulmans, notamment en Iran, en Cisjordanie et en Irak, contre les agissements des militaires américains, particulièrement la profanation du Coran à Guantanamo. Ces actes ont constitué la goutte qui a fait déborder le vase pour la communauté musulmane à travers le monde. Moqtada Sadr a appelé les Irakiens à peindre des drapeaux américains et israéliens devant les mosquées du pays afin de les fouler aux pieds lors de la prière du vendredi pour dénoncer la profanation présumée du Coran. Une centaine de manifestants ont clamé leur colère, appelant vendredi à Londres à “bombarder New York” et menaçant les Etats-Unis d'un nouveau 11 septembre. Même les excuses présentées par le magazine Newsweek, à l'origine de la divulgation de l'affaire, n'ont pas apaisé la tension qui est allée crescendo. En effet, beaucoup d'anciens détenus de cette prison et de celle de Bagram en Afghanistan ont confirmé que de tels actes ont été régulièrement commis par leurs geôliers américains. Dans cette optique, l'organisation non-gouvernementale de défense des droits de l'Homme, Human Rights Watch (HRW), affirme que offenser les croyances des détenus serait une pratique américaine répandue dans les centres de détention. HRW a de nouveau dénoncé hier les “homicides, tortures et autres abus perpétrés” par des soldats américains sur des prisonniers afghans, qui n'ont, selon elle, été “suivis d'aucune enquête ou poursuite adéquates”. “Les forces américaines en Afghanistan ont été impliquées dans des homicides, des tortures et autres abus sur des prisonniers bien avant le début de la guerre d'Irak”, précise un communiqué de l'ONG. Les affaires sont dévoilées régulièrement par la presse, comme ce fut le cas du New York Times, vendredi, qui a rapporté que deux prisonniers afghans détenus dans la prison américaine de Bagram (Afghanistan) ont été torturés à mort par des soldats américains en 2002. Le quotidien new-yorkais se référant à un rapport d'enquête criminelle de l'armée américaine de 2 000 pages, dont il s'est procuré une copie et qu'il présente comme “un équivalent écrit des photos d'Abou Ghraïb” qui ont fait scandale en 2004, détaille les multiples tortures infligées à des prisonniers afghans, arrêtés après la chute des talibans fin 2001, par des soldats américains décrits comme “sans expérience”. Par ailleurs, les pratiques américaines avaient déjà été dénoncées par plusieurs médias ainsi que par Chérif Bassiouni, un expert indépendant de l'ONU, qui, dans son dernier rapport publié en avril, avait déploré les “tortures, arrestations illégales et sévices” de la coalition américaine dans le pays. Enfin, le dernier scandale en date a été la publication, vendredi, par le Sun britannique et le Washington des photos de Saddam Hussein en tenue légère dans sa prison. Le journal britannique a publié, hier, d'autres images de l'ancien président irakien confirmant la solidité de sa source au sein de l'armée américaine et revendique avec force le droit de le faire, malgré les protestations du Pentagone. Encore une fois, l'Administration Bush a promis d'ouvrir une enquête, qui n'aboutira à rien comme toujours. Ces réactions n'ont convaincu personne, comme l'indiquent les critiques de nombreuses personnalités américaines, qui estiment que l'Administration de George Bush “gagnerait à balayer devant sa porte”. “L'Administration qui fustige Newsweek pour une histoire contenant un fait qui s'est avéré inexact est la même administration qui a menti au Congrès, aux Nations unies et au peuple américain en fabriquant des raisons pour nous envoyer en guerre”, s'est indigné le député démocrate californien Pete Stark. Quant à l'éditorialiste du Washington Post, Richard Cohen, “voir aujourd'hui la Maison-Blanche et le Pentagone s'en prendre à Newsweek pour une erreur constitue le summum de l'hypocrisie”. K. ABDELKAMEL