Deux journées d'études ont souvent été organisées par le HCA et ayant pour thème “L'évolution de la langue et la littérature amazighs”. Le débat est couramment dominé par ce qui est habituellement appelé le “passage de l'oralité à l'écrit” auquel, personnellement, j'oppose plutôt une formulation plus nuancée et qui consiste en “la continuité de l'oralité dans l'écrit”. L'oralité, un usage historiquement socialisé en milieu berbère, est un héritage plutôt à assumer, à développer et à faire évoluer efficacement en contiguïté avec l'écrit qui reste un moyen indispensable pour la survie de toute langue. L'écrit devrait être un prolongement de l'oralité et non une rupture ou même une opposition, comme il semble être le cas. Contrairement à d'autres milieux linguistiques différents, où l'apprentissage d'une langue structurée passe inévitablement par l'exercice scolaire. En revanche, le processus d'acquisition et d'apprentissage de la langue berbère, une langue tout aussi parfaitement structurée naturellement, reste l'oralité. L'école berbère n'est pas née dans la précipitation mais dans une espérance plutôt inattendue. En raison de quoi, et présentement, elle devrait éviter les ratages constatés dans des modèles d'enseignement connus et même subis. Comme suggéré par Mammeri, on ne devrait pas donner de la langue une description scientifique. C'est-à-dire ne pas enseigner la grammaire pour de la grammaire. Après l'apprentissage des règles régulières de la transcription et une écriture plutôt à tendance phonologique, comme conseillé par Salem Chaker, un des objectifs principaux de notre école (le plus urgent à mon sens) est plutôt de travailler à l'apprentissage facile de la lecture. Une fois la lecture installée alors la continuité de l'oralité dans l'écrit sera réussie. L'œuvre exceptionnelle de Bélaïd At Ali, écrite dans les années 1940, est un modèle (une prudence) du prolongement de l'oralité dans l'écrit. Le plus remarquable, mais aussi le plus difficile des apports que Belaïd a magistralement réalisé, c'est d'avoir concilié l'écrit en tant qu'initiation à peine naissante et oralité déjà historique et toujours d'actualité dans le milieu social. C'est par cette philosophie que s'installera la tradition de l'écriture et donc la réalisation d'une culture littéraire écrite. A. A. [email protected]