La maison de la culture Mouloud-Mammeri a abrité, samedi et dimanche derniers, un séminaire sur la littérature amazighe, de l'oralité à l'écrit. Organisée par la direction de l'enseignement et de la recherche du HCA, cette rencontre a vu la participation d'une dizaine de professeurs exerçant dans les universités algériennes. À l'ouverture Youcef Merahi, secrétaire général du Haut commissariat à l'amazighité, a mis en relief l'importance des objectifs et des recommandations du séminaire. Il a également fait l'état des lieux de l'enseignement de la langue berbère. “Dix ans après son introduction à l'école, nous sommes toujours au stade expérimental. Un déficit total est à relever en matière de formation des formateurs et des inspecteurs. À Bouira, Tizi-Ouzou et Béjaïa, tamazight est enseignée à 95 %”, admet le responsable du HCA. Inaugurant le cycle des conférences, le Dr Kamel Bouamara a consacré son intervention à la littérature algérienne d'expression kabyle. “Aujourd'hui, les textes littéraires d'expression kabyle circulant entre les individus sont à la fois nombreux et divers. Et il en est de même pour les voies qu'ils empruntent pour parvenir aux divers récepteurs, auxquels ils sont d'abord destinés. Nous sommes plus à l'époque où la littérature d'expression kabyle, voire berbère, était purement orale. Comme le reste de la culture kabylophone, elle est traversée depuis bientôt un siècle par deux phénomènes de communication, au moins. Il s'agit du passage à l'écrit, d'une part, et de la médiatisation, d'autre part”, constate-t-il. Selon lui, grâce à l'impact de ces derniers et leur investissement des plus massifs par les artistes kabyles, la configuration littéraire kabylophone s'est renouvelée et diversifiée tout uniment. Deuxième intervenant, l'universitaire Arezki Graine a rendu hommage au défunt dramaturge Mohand Ouyahia. “Dans le cadre de cette manifestation consacrée à la littérature berbère de kabylie, il était naturel que l'on évoque le producteur le plus prolifique et le plus universaliste que la Kabylie ait jamais compté. Je veux parler de Muhya qui nous a quittés l'année passée (le 7 décembre 2004) en transmettant un flambeau qui illuminera longtemps encore la voie du développement de notre culture et de notre langue”, notera-t-il. “Auteurs et œuvres berbères de l'Antiquité et du Moyen-Âge : comment les recenser ?”, c'est le thème d'une autre communication développée par Haddadou Mohand Akli enseignant à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. De son côté, Berdous Nadia de la même université s'est intéressée au passage de l'écrit à travers l'œuvre de Bélaïd Aït Ali et les techniques narratives exploitées par cet homme de culture dans les récits oraux et écrits. “La diffusion de l'écrit avec les caractères latins est avancée par de nombreux des élites kabyles comme Boulifa, Ben Sdira, Sidkaoui, Belaïd Aït Ali… surtout qu'un travail s'est déjà fait sur la graphie usuelle avec Idir Aït Amrane, Khelifati. Pusieurs Français, dont des militaires et universitaires, ont œuvré avec leur écrits, leurs corpus à la diffusion de l'écrit en kabyle avec la graphie latine comme Hannoteau, Basset...”, a indiqué l'intervenante. Et d'ajouter : “Le passage à l'écrit date déjà depuis longtemps comme le souligne d'ailleurs Salem Chaker : le passage à l'écrit est sans doute une tendance la plus anciennement repérable et la plus permanente chez les berbérisants et militants autochtones. Dès le début du siècle, la volonté d'opérer le passage à l'écrit se traduit par la publication d'importants corpus littéraires ou de textes sur la vie quotidienne...” De l'avis de Mlle Berdous, “le premier prosateur en kabyle est sans doute A. S. Boulifa avec un écrit de 350 pages rédigé entièrement et directement en kabyle”. Mais, fait-elle remarquer, “Les cahiers de Bélaïd ou la Kabylie d'antan'' de Bélaïd Aït Ali est parmi les premiers écrits littéraires en tamazight. C'est une œuvre de 477 pages dont des contes transcrits, des poèmes et des nouvelles relatant le quotidien, les traditions et les valeurs de Kabylie. D'autres communications traitant de “La poésie et la guerre de libération nationale'' (Koudache Malika, université d'Alger ), ou “La dépréciation chantée'' (Amar Nabti de l'université de Tizi Ouzou ), “De l'interaction de l'oralité et de l'écriture dans la néo-littérature” (Ammar Ameziane, Inalco, Paris), de “La représentation de la femme dans la poésie de si Mohand'' (Mmes Amhis et Touba), du conte populaire (Bourayou Abdelhamid, université d'Alger), et des noms des plantes dans la littérature orale amazighe (Iguil Smaïl Saliha, université de Béjaïa) étaient également au programme de cette rencontre. A. T.